- Tu crois qu'il est dans le coin, demanda l'un des hommes portant une torche.

- Chut ! Tais-toi bon sang. Tu sais bien qu'il est là, alors t'es pas obligé de lui signaler notre présence, répliqua un deuxième sur un ton éteint quoi qu’énervé.

- Ne me dites pas que vous avez peur, les gars. Un seul péquenaud contre quatre, c'est gagné d'avance, rajouta le troisième plus confiant.

- Et puis c'est quoi ce nom, Cœur d'aigle ?

- C'est peut-être un ornithologue.

- Ou un sociopathe.

- En tout cas, la paye est bonne; je me demande ce qu'il a bien pu faire à ce marchand.

- En tout cas, c'est une assez bonne raison pour nous demander de le déplumer.

Les trois mercenaires s'esclaffèrent. Ils étaient ivres. Eramos le remarqua par la façon dont le plus frêle se déplaçait. Il inclinait légèrement vers la droite et marchait son pied droite légèrement vers l'extérieur. Les deux plus grands, eux, n'avaient en apparence aucune séquelle physique sinon l'hébétude de l'alcool.
Celui en queue de file s’arrêta soudain. Il n'avait pas parlé depuis le début; il semblait plus professionnel. Eramos soupçonna qu'il était un autre chasseur de prime, comme lui. Son regard c'était porté à lui, pourtant caché dans l'ombre.

- Il est là, dit-il.

Les trois autre dégainèrent en regardant autours d'eux sans vraiment le voir.

- Où ?

L'individu silencieux enleva son foulard, dévoilant un visage de Suli aussi noir que la nuit avec des yeux jaune se reflétant dans les torches des mercenaires. Il huma l'air et ajouta en pointant l'emplacement de sa cible.

- Là, dans les buissons.

Les trois humains les chargèrent armes brandies et commencèrent à leur faire une nouvelle coupe, mais sans trouver leur prime. Il n'y avait qu'une cape grise. Un bruit ressemblant à un grondement d'animal surgit derrière eux et quand ils se retournèrent ils virent le Suli étant prisonnier d'une lame argenté tenue par nulle autre que Cœur d'aigle.

Le Suli se mit à rire.

- Le coup de la cape, j'aurais du m'en douter.

- On ne change pas une formule gagnante.

Les trois mercenaires abrutis par l'alcool restaient cois devant la scènes, ils se demandaient quoi faire. Le plus large d'entre eux brisa le silence pensant sur la scène.

- Allons les gars, un peu nerfs, tuez-moi ce piaf !

- Désolé.

Endormi par une prise de l'ours, le Suli s'effondra aux pieds des guerriers qui virent une arbalète dans la main de leur ennemi. Deux carreaux furent relâchés, tuant le plus petit et le plus grand d'entre-eux. Seul restait celui qui avait mené la charge tenu en respect par Espoir, la rapière d'argent.

- Lâche tes armes, dit Eramos sur un ton qui laissait présager qu'il n'allait pas répéter.

- Pas assez payé pour ces conneries, dit l'homme en lâchant ses armes.

- Maintenant court.

Et il couru sans se retourner. Eramos examina le Suli, inconscient. Il possédait dans ses poches une insigne qu'il connaissait bien: La Guilde. Il sut dès lors qu'il y avait un contrat sur sa tête et qu'il ne venait pas d'un simple marchand, mais de quelque chose de bien plus dangereux. L'organisation regroupant les meilleurs tueurs et chasseurs. Il le savait, car il en avait déjà fait parti.

Edit par Thaom : Après avoir fait les poches de ces pauvres imbéciles qui auraient pu éviter ça, Eramos récolte 2 Bel'or , 8 pièces d'acier et 4 pièces de cuivre.

Hydrasil, la nuit. Le silence y était paisible, de douces lumières orangées éclairant faiblement les rues de pavés pâle. La voûte céleste bénissait sous elle la cité endormie et ses habitants. Un lieu où il faisait bon vivre, pensait-on.
On se trompait.

Eramos n'était pas en Hydrasil, bien que techniquement parlé il l'était. La Basse-Ville était un endroit dénué d'espoir et de bienveillance. C'était un lieu de survie où chacun devait se battre s'il voulait vivre. Noyé dans la corruption, ce plan d'existence était la maison de cet homme et des guerriers qu'il dirigeait. Éloge épique à une quête qu'on croyait perdue d'avance.

Pourtant, il était là, en train de suivre la progression d'un jeune homme à-travers les ruelles tortueuses. Depuis les toits, Eramos dût se cacher à plusieurs reprises, les yeux de celui qu'il suivait perçant les ombres dissimulant le Mentor qui en était impressionné. La Basse-Ville pouvait affûter les sens de ses habitants. Mais il ne le repéra pas, l'expérience du vieil homme surplombant le talent du jeune.

Tous deux arrêtèrent leur partie de chasse devant la seule taverne de la Basse-Ville: la colombe noire. C'était un lieu de perdition où les criminels se rassemblaient. L'adolescent hésita un instant, mais reprit sa route et entra dans l'établissement bondée. Eramos soupira; il espérait qu'il ne soit pas trop tard.

♦

Tusis savait qu'il était suivit, mais la personne qui lui donnait la traque ne se révélait pas. Il aurait cru à ses voleurs, mais il les repérait souvent avant qu'ils n'agissent à son encontre, mais cette personne il ne la voyait nulle part. De plus, elle ne se manifesta pas, étrangement. C'était sur la règle du plus fort que se jouait le destin des habitants de la Basse-Ville et il avait en position vulnérable pendant qu'il déambulait dans les ruelles; c'est là que son chasseur aurait du se manifester. Et pourtant...

Le jeune homme passa sa main dans sa chevelure rousse. Il était arrivé. Serrant le contenu de sa bourse, il inspira une bouffée d'air pour se donner du courage et entra dans la taverne. La fumée de tabac et l'odeur d'alcool l'assaillit instantanément. Il régnait dans la salle une chaleur suffocante, même par ces mois plus froids. Cependant, il n'avait pas le temps de s'arrêter à ces détails. Il venait exclusivement pour une seule personne et il la repéra bien vite. C'était celui qu'on appelait Ferkal. C'était l'homme de main d'un baron du crime, mais pour la Basse-Ville il était le seigneur des criminels, le roi de l'injustice. Chaque crime était ordonné par sa main ou à-travers lui. Ce Norpalien lui faisait peur, mais Tusis n'avait pas fait tout ce chemin pour abandonner maintenant. Il s'avança à la table où se trouvait Ferkal accompagné de plusieurs femme, mais ne put aller à sa rencontre car il se fit bientôt bloquer l'accès par un de ses gardes privé, un maraudeur hargneux et cinglant.

- Dégage demi-portion. On ne s'approche pas du patron comme ça.

- J'ai... Il s'éclaircit la gorge avant de continuer. J'ai quelque pour lui. Je viens éponger une dette.

- Voyez-vous c'la, le morveux a quelque chose qui appartient au patron... Mais il est occupé alors dégage !

Une grosse voix s'éleva pour couper le maraudeur dans son action. Il s'en allait frapper Tusis.

- Laisse-le passer, Grohr. S'il a quelque chose qui m'appartient, qui es-tu pour décider s'il peut me le donner ou non ?

Grohr n'en rajouta pas. Il lâcha les vêtements de Tusis et le laissa approcher de la table. L'adolescent avait du mal à regarder Ferkal dans les yeux, intimidé par sa balafre au visage et par les femmes à moitié nues l'accompagnant.

- Elles sont ravissantes, n'est-ce-pas mon garçon ?

- Je ne suis pas là pour ça. Je viens éponger la dette de ma mère. Elle ''travaille'' pour vous.

Tusis n'avait pas put s'empêcher de cracher sa dernière phrase. Sa mère était une prostituée sous les ordres de Ferkal, elle lui appartenait.

- Tien donc. Et voici le butin je présume, dit-il en pointant de sa grosse main la bourse que tenait fermement le jeune homme. Cela doit valoir plusieurs années de dur labeur pour toi. Quelle ténacité.

L'homme de main demanda la bourse d'un mouvement gracieux. Tusis le lui tendit promptement désireux d'en finir avec toute cette histoire. Son interlocuteur pesa brièvement celle-ci.

- Malheureusement, ce n'est pas assez. Ce ne sera jamais assez.

Il lança la bourse malgré les cris de protestation du jeune homme voyant les pièces d'or et d'acier rouler au sol puis se faire ramasser par les clients de la taverne. Ferkal se leva d'un bond en attrapant le visage du rouquin pour ensuite l'approcher du sien, soufflant son haleine putride à son nez.

- Ta mère m'appartient et aucun montant ne pourra te donner le droit de me la racheter. Elle m'appartient, répéta-t-il.

Pour Tusis s'en était trop. Il dégaine une dague cachée dans sa manche et tenta de la planter dans le ventre du vil Ferkal, mais ses réflexes étaient trop rapides pour la main du jeune homme que le Norpalien attrapa sans difficulté pour ensuite la serrer jusqu'à ce qu'elle ne lâche l'arme.

- Bien essayé petit. Tu as du courage ! Avec moi, tu aurais un avenir prometteur. Un homme de main respecté ! Ou peut-être devrais-je te tuer sur le champ pour ce que tu as osé faire ?!

- Je n'y compterais pas trop si je tenais à la vie, répondit une nouvelle voix. Un vieil homme venait d'apparaitre à la gauche du tyran une arbalète noire à la main.

- Lâche-le et tu vivras.

Le visage de Ferkal devint écarlate et Eramos crut un instant qu'ill n'allait pas lâcher le jeune homme, qu'il allait plutôt le tuer devant ses yeux, mais au dernier instant il n'en fit rien et lâcha son bras. Un sourire victorieux étirant ses lèvres.

- Très bien, mais j'aimerais savoir ton prochain mouvement, vieil homme. Regarde autours de toi. Tous ceux dont tu croiseras le regard travaille pour moi. Tu crois pouvoir t'échapper ?

- Tu ne t'attarde pas aux détails.

- Quoi ?

- Regarde leur visage, insista Eramos, ils ont peur.

C'était vrai. Chacun savait qui était l'homme qui pointait son arme sur Ferkal le vil et personne n'était prêt à découdre avec lui. Le roi criminel redevint écarlate devant la scène.

- Tuez-le !

Personne n'osa bouger. La loyauté était chose rare dans la Basse-Ville.

- Nous allons prendre congé. Restez assis, je peux vous tuer à plusieurs dizaines de mètres d'ici. Or, il vaudrait mieux que vous restiez là jusqu'à ce que le soleil ne se lève.

Ce qu'il fit, laissant Eramos et Tusis partir sans tente quoi que ce soit. Après tout, qui aurait voulu défier Cœur d'aigle l'assassin ?