C'était la fin du voyage. Les montagnes parsemaient le paysage telles d'impérieuses épines pointés vers les cieux brumeux. Une fine buée s'échappait des lèvres de l'Eladrine. Dans son dos, un jeune homme la rattrapait en brandissant une courte épée. Se retournant subitement, dans un fracas de métal, elle l'accueillait en parant le coup qu'il s'apprêtait de lui asséner. Un pâle sourire retroussa un coin de sa bouche : Ce jeune garçon avait du potentiel, elle le sentait.

La route avait été fort longue et éreintante. Cette fois-ci Niri avait accepté de conduire une famille de marchand d'étoffe qui déménageait pour la saison de Varak pour Fort-Froid. Après avoir d'abord hésité en raison du temps neigeux, qui requérait de se préparer minutieusement pour affronter le froid et les cotes escarpées de leur future ville. La dame avait finalement fini par accepter. Surtout grâce au marchand qui lui avait spécialement fait parvenir une nouvelle cape, à la lourde fourrure sublime. Remerciant l'homme, elle avait alors vérifié que ce don n'entrait en rien dans la paye qu'elle empocherait à la fin du trajet. Pressés, il n'avaient prit que deux charrettes avec eux ainsi qu'un autre garde. Mais cela était suffisant, manifestement.

La route ne connu guère d’embûche en dehors d'une brève tentative de vol durant une nuit, au cours de laquelle Niri avait dû user méchamment de sa Dague à Chaîne. Malheureusement pour les bandits, elle voyait parfaitement la nuit et ne gardait toujours qu'un œil fermé. Dommage pour celui qui c'était prit un coup, fuyant avec une longue estafilade sur l’omoplate.

Quoi qu'il en soit, malgré cet incident, il s'était avéré que le couple de marchand avait un jeune garçon de onze ans. Celui-ci, impressionné par la lame courbe de la dague de la Protectrice, avait expressément incité son père afin qu'il lui offre en plus de sa protection, quelques cours de pratique à l'épée en sa compagnie. Naturellement, la jeune femme accepta de bon gré sous réserve de voir sa prime augmenter... Et ainsi s'en vint ce dernier jour d'exercice.

Le jeune garçon nommé Ikar, suait à grosse goutte malgré le froid. Ses joues rosies lui donnait un air porcin totalement dégingandé, et pourtant. Pourtant, hors son physique disgracieux, Niri ne voyait chez lui que son potentiel à devenir un bon guerrier. Il avait déjà développé quelques réflexes...

Son sourire s'estompa. L'heure approchait des séparations, cette dernière joute était l'aboutissement de cette mission fort bien menée.

« Demande à tes parents de t'offrir les talents d'un autre maître d'arme, petit. Tu pourrais très vite devenir plus fort que moi si tu continus comme ça,. » Lui dit-elle, mi-sérieuse mi-amusée par la détermination qu'elle lisait dans le regard d'Ikar. « Enfin...pas avant quelques années, cela dit. »

« Enseignez-moi ! » suppliait déjà le garçon, soufflant avec force et conviction. « Je veux que ce soit vous qui m'appreniez à me battre, je veux apprendre à utiliser la chaîne ! »

Cet entêtement fit une nouvelle fois sourire Niri. Mais déjà, le père du petit s'avançait dans leur direction...

« Hélas, nos chemins se sépare ici. Fait en sorte de ne pas oublier ce que je t'ai enseigné, Ikar. Adieu. »

Et sans faire plus dans le sentimental, elle dépassait le jeune homme encore tout rouge, pour aller rejoindre son père, et accepter son paiement...

Fort-Froid, Norpalie.

Finalement, Niri s'habituait progressivement au climat mordant et a la rudesse de la population locale de Fort-froid. Si elle avait tenté partir au moins par deux fois pour rejoindre le nord, il s'était constamment trouvé sur son chemin quelque chose ou quelqu'un pour l'en dissuader. Maintenant qu'elle disposait d'une monture digne de ce nom, plus rien ne la retenait ici, pourtant...une fois encore, quelqu'un allait demander ses services. C'était un jeune garçon, en réalité, le petit frère de l'homme qu'elle avait empêché de se faire embroché lors de la mission contre Freanon. Si celui-ci avait été impressionné, il s'était aussitôt empressé de conter l'aventure à sa famille, et en à peine deux jours, le jeune frère ne rêvait plus que d'une chose : se faire instruire l'art du combat par cette maîtresse d'arme.

Alors, sous la bénédiction de leur parents, le grand frère avait écumé chaque auberge dans l'espoir de retrouver l'Éladrine, et avec succès. Bien entendu, Niri l'avait directement reconnu, et elle n'avait pu s'empêcher de songer que son frère, voir lui-même, pourraient bien avoir effectivement besoin de ses services, en vue de son tempérament de risque-tout. Par ailleurs, le fait qu'elle se fasse gracieusement logé chez eux avec son cheval, joua bien en leur faveur.

Aussi avait-elle accepté moyennant un salaire raisonnable, d'entraîner ses jeunes hommes pour une semaine.

Ce jour était le premier, elle fit connaissance avec le petit frère de Rorel, un garçon vif dénommé Filbert de douze an à peine. Lorsqu'elle se présenta, elle les trouva tout deux épée à la main, prêt à en découdre, ce qui fit sourire patiemment l'Éladrine. Elle leur jeta à chacun une épée de bois.

"Tu sais manier un tant soi peu l'épée, petit ?" demanda-t-elle en fixant Filbert. Celui-ci s'empressa de hocher la tête avec véhémence. Ce à quoi Niri ne put s'empecher de répondre par un mouvement appréciateur du menton. "Bien alors pour commencer, voyons de quoi vous êtes capables. Je vais tester vos réflexes et aptitudes. On commence par toi Filbert."

Elle se mit en garde et étudia avec attention la posture du jeune garçon.

"Redresse ta garde, ce n'est qu'une épée de bois, dans cette posture tu aura bien du mal à conserver une arme de fer en main. Écarte les pieds de dix centimètres sur la droite." Elle attendit qu'il s'exécute pour lancer une première attaque, plein de retenue.

L'enfant para en un réflexe, mais au bout de dix minutes, il luttait déjà pour garder le mouvement, pourtant des plus lent.

"Tu hésite trop. Avec de l'entraînement, cela disparaîtra, et ton endurance augmentera. Ce n'est pas si mal pour commencer." Implacable, elle se tourna vers Rorel qui n'avait rien perdu de la scène. "A ton tour à présent..." un petit sourire en coin naquit en douce sur ses lèvres comme elle revoyait l'intrépide intervention, certes avinée du jeune homme, l'autre soir face aux brigands.

Le premier assaut de Rorel fut des plus hargneux. De toute évidence il essayait de prouver quelque chose. Niri jura que s'il s'était s'agit d'épée de fer, des étincelles auraient naquit par la force de ses coups. Elle fit comme si rien n'était et continua à parer tranquillement les coups qui s'abattaient sur elle avec force. Petit à petit, quand le jeune homme finit par s'apercevoir qu'il n'y avait chez elle aucune ouverture, il se calma.

"Ton endurance est bonne, mais tu canalise mal la force de tes assauts. Une meilleure gestion de ta colère pourrait faire de toi quelqu'un de redoutable. Il te faut apprendre à maîtriser tes pulsions."
Après que le garçon hocha la tête en signe d'approbation, vaincu, il demanda :

"Comment faites-vous pour vous canaliser quand vous combattez ?"

"Cela vient d'années d'entraînement et du mode d'apprentissage Éladrin. Nous apprenons très jeune à tenter vaincre nos démons intérieur. Car celui qui ne se maîtrise pas sur le champ de bataille commet des erreurs, et les erreurs sont mortelles." Du regard, elle jaugea l'humain pour

"Vous avez été blessé à l'épaule à cause de moi, j'm'en rends compte à présent. Si j'avais pu me contrôler..."

"...Freanon serait peut-être encore en vie." le coupa-t-elle, conciliante. "Tu réussira à contrôler tes émotions avec l'âge, j'en suis persuadée."

Sans préambule, elle coupa court à cette conversation car ce n'était pas le moment de l'avoir. Elle expliqua la suite du programme de la journée aux frères, à savoir un entraînement intensif d'endurance et de force. La journée se déroula ainsi, dans la sueur et la poussière, ou plutôt la neige...

Le deuxième jour, les jeunes humains s'était levés à l'aube tel que le leur avait préconisée Niri. Si le petit Filbert montrait des signes de courbature, Rorel en revanche, n'en avait pas même les symptômes. De toute évidence, il était déjà rompu aux exercice ce qui n'était pas le cas de son frère. La maîtresse d'arme en prit consciencieusement note avant d'aller cueillir les jeunes gens devant leur maison. Aujourd'hui, ils allaient s'entraîner dans le froid et l'ombre de la forêt.

"C'est encore une occasion de montrer vôtre résistance au froid, Norpalien." avait dit Miladir en ajustant sa cape de fourrure. "Pour ma part, je n'y goûte guère."

Si l'Éladrine les menaient ainsi dans les bois, c'était pour tester leur réflexes. Car afin de définir d'un entraînement à leur mesure, il lui fallait savoir quels étaient les capacités et disposition de ses élèves à ces choses là. Et ainsi, ils s'en allèrent vers la forêt, pas très loin de la ville, mais suffisamment pour donner l'illusion du danger aux garçons. Niri les fit un peu tourner en rond pour qu'ils perdent leur repères, et puis s'arrêta pour donner ses explications.

"Ici, je vais tester votre aptitude face à l'inconnu et l’imprévisible. Selon vos réactions j’approfondirai votre entrainement. Un petit conseil, l'écoute est primordiale. Ce n'est pas parce que vous ne voyez pas le mal qu'il est inexistant."

Et aussitôt, elle disparut dans l'ombre, abandonnant ses élèves à l'appréhension et au doute. Leur épée de bois brandit chacun parti d'un côté différent pour affronter les dangers de l'inconnu. Rorel, méfiant et sûr de lui, adopta une position défensive et avançait à pas lent et précis, son frère lui ne pouvait s'empêchait de jeter à la ronde, des regards emprunt de peur. Malheureusement pour eux, Niri allait utiliser son sort Ami de la flore pour pimenter les choses. Silencieuse, elle se faufilait autour des garçons, faisant craquer une branche à son opposée pour ensuite rechanger de tactique et faire bouger des branches dans leur dos. Un instant elle apparaissait aux côtés de l'un, qui en proie à la surprise faisait un bond pas possible, puis de l'autre, qui manquait lui embrocher les cottes.

Après plus d'un quart d'heure à vagabonder de la sorte, Niri décréta qu'elle en avait assez vu. Elle réapparut au point de départ avec un air d'étonnement feint. Quand les garçons revinrent, elle fit le point.

"Premièrement, il est très peu conseillé de se séparer en terrain inconnu. Les chances de survie seul en sont divisées. Rorel, tu réponds bien à la surprise, ton analyse est bonne. Par contre Filbert, tu as peur et cela se sent à des kilomètres à la ronde. Le moindre faux pas peut entraîner la perte d'un membre ou pire encore..." face à ses paroles sévère, le jeune Filbert ne put s'empêcher de baisser la tête comme il se remémorait ses impaires...

"Rentrons. Je vais vous apprendre quelques technique pour ne pas être prit au dépourvu...Filbert, sache qu'il vaut mieux faire expérience et connaître ses lacunes car c'est ainsi et seulement ainsi que l'ont se parfait. Tu verras, le temps donnera raison à tes exercices si tu suis cette voie."  

Les heures qui suivirent, les gens retrouvèrent la sûreté de leur foyer pour ensuite se voir inculquer de nouvelles méthodes et tactiques de combat de la part de l'Éladrine. Qui bien que dur envers eux, ne rechignait pas quant au partage de son savoir...

Le jour suivant, une tempête de neige manqua empêcher les protagonistes de mettre en œuvre les conseils de l'Éladrine. Le vent soufflait par rafale, crachant sur la cité des nuées de flocons blancs qui ne semblaient vouloir laisser les gens faire leur travail. Mais malgré tout, malgré le froid mordant et l'humidité, cela n'allait pas stopper notre maîtresse d'arme. Irritée par ce temps qui de toute évidence avait choisit de l'importuner dans son affaire, Niri conduisit les jeunes gens munis de leur armes dans l'écurie. L'endroit serait suffisamment spacieux pour leur permettre de s'exercer. A leur entrée, quelques chevaux hennirent dont Brume.

"Allez messieurs, nous allons revoir les passes d'armes que je vous ai montré ces deux derniers jours." Elle planta sur chacun d'eux un regard qui n'était pas sans rappeler celui d'un aigle. "J'ose espérer que vos corps sont d'attaque. Si c'est dur au début, dites vous que petit à petit vos muscles se développeront, contraint par la force que requière de tenir une arme en main...et encore ce ne sont là que des épées de bois..."

Elle leur fit signe de se poster l'un face à l'autre d'un mouvement du doigt autoritaire, comme ils l'avaient fait la veille.

"Rorel, maîtrise ta force. Filbert, ne te laisse pas impressionner par les coups de ton frère."

Un bref instant, elle leur tourna autour pour vérifier leur position puis se posta à quelques mètres d'eux.

"En garde !"

La première passe des deux frères fut ponctué par les conseils appuyés de l'Éladrine qui ne perdait pas une miette du combat qui se déroulait sous ses yeux aguerrit. Le vent, qui faisait grincer le bois s'engouffrant par quelques fissures, venir faire naître une chaire de poule sur les corps des personnes présente dans l'écurie. Hormis cela, le combat s'intensifia pour la deuxième et troisième passe. Niri les interrompit alors.

"Mes muscles me font trop mal, j'ai peine à contrer les attaques de mon frère..." marmonna Filbert en rabaissa la tête, les joues rosies par le froid ou l'action.

"Il fallait faire tes exercices plus consciencieusement !" renchérit Rorel d'un ton sec.

Ce à quoi, poussant un soupire exaspéré, l'Éladrine répondit en posant ses poings sur ses hanches :

"Ce n'est pas les exercices le problème...il est juste encore trop tôt pour que son corps se remette des efforts qu'il a fournit. Jeunes hommes, dites vous bien que le temps nous est compté, ce que je vous montre là sont les bases que vous allez devoir exploiter lorsque je ne serai plus là." Elle les regarda tour à tour en se durcissant sa voix caressante. "Il n'est pas question de devenir fort tout de suite. Ce n'est pas un concours de foire !"

Un grincement de porte leur indiqua l'intrusion d'une personne dans l'écurie. Le jeunes garçons se retournèrent de concert pour accueillir du regard leur père qui venait voir comment se passait la leçon.

"Alors ? comment se passe les cours de mes garçons ?" S’enquit l'homme, qui, la cinquantaine bien entamée, jouissait d'une physionomie avenante sous ses beaux atours bien chauds. "J'espère qu'ils ne vous causent pas trop de problème; leur tempérament exige parfois qu'on les prennent par la racine avec quelques fermetés..." Il rigola doucement en se rapprochant d'eux.

Niri le salua de la tête et s'adressa aux garçons.

"Jeunes hommes, faites donc une démonstration à vôtre père."

Les deux frères malgré leur fatigue musculaire ne se firent pas prier, par trop déterminé à impressionner leur père. Celui-ci, la mine satisfaite les délaissa ensuite à leur affaire, ayant lui-même d'autres chats à fouetter. La journée s'acheva plus tôt pour laisser aux jeunes homme quelques temps pour se remettre de leurs entraînements intensifs...

La tempête s'était estompée durant la nuit ne laissant à l'aube, que quelques fines poudres que le vent pouvait faire voleter à son aise. Cela faisait aujourd'hui quatre jours que les deux frères se faisaient entraîner par la maîtresse d'armes Éladrine. Et s'ils n'avaient guère eut de temps pour récupérer physiquement, la veille, les jeunes humains avaient gouté à un repos bien mérité. Aussi étaient-ils en ce matin de Brives plus frais et disposé pour l'exercice.
Leurs pas effrénés résonnèrent avec véhémence dans la maison familiale sans que quiconque ne s'en préoccupe, tous étant parti s’affairer depuis longtemps. Puis, lorsqu'ils pénétrèrent la petite cour de leur maison, le nez déjà rougie par le froid, ils découvrir que Niri était déjà là à les attendre patiemment, préparant avec soin les futurs accessoires de leur entraînement.

"Messiers, avez-vous bien profité de vôtre repos ?" Un sourire énigmatique aux commissures, Niri les contempla à tour de rôle avec satisfaction. C'est qu'ils s'en venaient d'un bon pas affronter la journée, et cela n'était pas déplaisant.

"Si fait !" S'exclama Rorel avec bonne humeur, manifestement le plus pressé. "Qu'allons-nous apprendre aujourd'hui ??"

"Allons-nous apprendre à tirer à l'arc ?" suggéra Filbert avec espoir, les yeux pétillants de convoitise à la vision des cibles disposées un peu plus loin.

S'il souffrait encore de courbature ce matin, l'idée d'apprendre l'arc lui aura au moins fait oublié ses peines. L'Éladrine combla leur espoirs.

"Oui, aujourd'hui nous verrons les rudiments pour le tire à l'arc. Il est toujours utile de savoir s'en servir, ne serait-ce que pour pouvoir chasser et combler la faim de sa famille."

Elle donna à chacun un arc qu'elle avait confectionné la veille avec du bois récolté dans la forêt. La facture était des plus sommaire, ce n'étaient pas des arcs faits pour durer dans le temps. Mais...néanmoins, elle avait dans l'espoir qu'ils tiennent quelques jours. Juste assez pour inciter les jeunes gens à s'en procurer de meilleurs.

Aussitôt, elle se posta face à son publique et fit une démonstration des plus concluante, qui alla se ficher dans sa cible. Insistant bien sur la position du corps et des bras, elle se tourna ensuite vers ses élèves pour leur inculquer son savoir. Le début fut totalement un échec. Pour chacun d'un. Aucun n'ayant jamais, ne serait-ce, que songé d'essayer tirer à l'arc, le travail serait rude...mais...peut-être arriveraient-ils à quelque chose...

La journée fila à une rapidité déconcertante. Et, bien qu'éprouvante encore une fois pour les garçons, ils restaient déterminés à apprendre, encore et encore. Cela n'était pas le cas ni même le désir de tout ceux auxquels Niri avait essayé d'enseigner quelque chose...mais pour une fois, cela faisait plaisir à voir...

Le cinquième jour s'annonçait.

L'entraînement à l'arc n'avait pas été des plus fructueux et la journée précédente s'était achevée dans la sueur comme celle d'avant encore. Et tandis que son accord concernant ces jeunes humains approchait de sa fin, Niri ne pouvait s'empêcher de songer à leur futur. Il y avait en elle l'espoir que ses leçons, même brèves, ne seraient pas oubliées et utilisées à bon escient. Car combien de vie avait-elle vu gâcher par manque de moyen ? Non...la vie ne faisait pas de cadeau, alors autant partir avec un bon bagage pour l'affronter la tête haute.

La belle maîtresse d'armes se surprit perdue dans ses pensées alors qu'elle regardait durement les jeunes hommes achever leur séries d'échauffement. Imperceptiblement, à mesure que des tensions mettaient à l'épreuve leur corps, Filbert et Rorel, avaient vu leur physionomie changer en quelque chose de plus brut et solide. Leur jeunesse étant en cela maniable qu'ils ne leur avaient fallu guère de temps pour récupérer et acquérir le muscle nécessaire pour combattre.

Aujourd'hui, ils délaisseraient l'arc pour quelque chose d'autre. Néanmoins, Niri leur avait ouvert la voie. S'ils le désiraient, ils pourraient l'emprunter plus tard pour expérimenter cet art complexe. Mais ce jour ne lui était pas destiné.

D'un mouvement sec du poignet, elle intima aux jeunes hommes d'interrompre leur efforts. Ceux-ci étaient si bien réglé à répondre à ses moindres demandes qu'ils s'exécutèrent aussitôt pour venir lui faire face avec cette soif d'apprentissage bienvenue. Leur souffle était court, leur poitrine enflaient avec force et rapidité; Il était clair que ces deux là n'avaient pas ménagé leur efforts. Un très bref instant, l'éladrine les jaugea d'un regard appréciateur. Rorel se faisait un malin plaisir de soutenir le bleu glacé de ses iris, mais son plus jeune frère lui se contentait souvent de regard en coin sans parvenir à cacher sa timidité.

Doucement, Niri leur offrit un sourire conciliant. Le petit manquait d'assurance, sans doute sa vie était-elle difficile ? Vivre dans l'ombre de quelqu'un d'aussi passionné et déterminé que Rorel ne devait pas être facile. Et pourtant...il essayait, cela se voyait, tentant éperdument d'atteindre un niveau susceptible de rendre sa famille fier de lui. Depuis le début, il avait lutté pour se maintenir du mieux qu'il pouvait au niveau de son grand frère.

Voilà qu'il se mordillait presque les lèvres. Niri s'adressa directement à lui :

"Que veux-tu faire plus tard ?"

D'abord étonné, le jeune garçon de douze an jeta un coup d’œil furtif à son frère avant de froncer les sourcils en les retournant sur Niri, habité par une soudaine résolution :

"Je veux faire partis des Marcheurs de Tonnerre !"

Cette force de conviction étonna la jeune femme qui redressa un sourcil intrigué. Elle avait entendu parler de ces soldats. Mais que ce jeune garçon rêve d'en faire parti était probablement révélateur.

"Ais confiance, Filbert, accroche toi à ce rêve. Tous n'ont pas la chance d'en avoir un. Si tu continues comme ça le maniement des armes...il se pourrait bien que tu parviennes à tes buts."

Rorel quant à lui haussa les épaules en roulant des yeux. De toute évidence il ne prêtait pas grande foi aux vœux de son cadet.

"Mais oui, mais oui. Ben moi je veux devenir fort pour affranchir la dette que j'ai envers vous."

Cette déclaration aussi franche qu'impromptue figea brièvement l'éladrine. Était-ce une blague ?

"Que veux-tu dire par là ?" demanda-t-elle d'un ton méfiant.

"Ben vous savez, l'autre soir à la taverne, vous m'avez empêché de me faire tuer...donc...je vous dois la vie. Mais si j'veux avoir une chance de vous rendre la pareille, faux que j'apprenne comment !"

Un silence glacial accueillit ses propos. Filbert avait les yeux qui allaient et venaient de son frère à la maîtresse d'armes, conscient que quelques chose se jouait entre eux.

"C'est ridicule. Je ne sauve pas les garçons dans ton genre pour qu'ils se collent des idées chevaleresque en tête. Je ne resterai pas en Norpalie de toute façon." Son ton tranchant laissa le jeune homme interdit. Patiemment, elle articula en le regardant droit dans les yeux sans ciller :"Tu ne me dois...rien."

"Sauf votre respect, je demandais pas votre avis..." un sourire insolent avait fleurit sur les lèvres du garçon.

Voilà qui était trop. Embarrassée, Niri préféra couper court à la conversation dont le terrain glissant n'était pas de bon augure. Elle n'aimait pas que quelqu'un décide de lier son destin au sien, pis encore, qu'on se mette en tête une dette imaginaire ! Plus tard, il lui faudrait surveiller qu'il ne la suive pas... Elle lui jeta un dernier regard peu amène et leur lança leurs épées sans douceur.

"Votre échauffement est terminé." Elle croisa les bras, autoritaire. "Aujourd'hui nous revoyons l'épée. Mettez vous en garde."

Rorel fit jouer ses muscles tout en soupesant l'arme en bois. Il l'aimait bien cette fille...elle n'était pas commune. Jamais il ne pourrait oublier la sensation qu'il avait eut en la voyant égorger ce porc de Freanon. Et c'était tant mieux, devoir la vie à une pie insupportable par exemple, lui aurait tout à fait déplut !

Les trois premières passes se firent entre son frère et lui. A mesure que les enchaînements avançaient, Niri donnait des instructions. A l'écouter, ils n'étaient jamais bien placés, les coups étaient portés soit trop bas, soit pas assez. Visait-elle la perfection ?

Au bout d'une heure, elle jugea qu'il était temps de leur montrer de nouveaux mouvements, les premiers ayant été bien assimilés. Patiemment, elle fit face aux garçons pour faire une démonstration des mouvements. Le tout, savant mélange de rapidité, force et précision, requérait beaucoup de concentration. Et il était clair que Rorel n'en avait pas beaucoup aujourd'hui...

Quelques heures plus tard, Niri jugea qu'il fallait remettre les choses au point. Elle félicita le jeune Filbert qui avait vaillamment combattu et alla placer une véritable épée entre les mains de Rorel. Celui-ci gardait sur le visage un énigmatique sourire dont la raison échappait totalement à l'éladrine, trop occupée à faire son devoir.

"Très bien, voyons voir ce que tu vaux, jeune humain." La stature droite, Miladir se mit en garde, le regard planté dans ceux de son adversaire. "Si tu parviens à me prouver que mes enseignements n'ont pas totalement été inutile avec toi aujourd'hui, je te laisse tranquille jusqu'à demain."

Un bref rictus souligna ses propos comme elle doutait qu'il se réjouisse de ce fait. Du point de vus du garçon, elle se trompait. Le combat s'engagea sans autre prémisse qu'une légère invitation du bras. Les coups de Rorel étaient moins hargneux qu'au tout début de leur entraînement. Il fixait l'éladrine avec une étincelle dans les yeux, mais il ne semblait pas vouloir prendre le dessus, ni reculer. Impassible, Niri étudiait son comportement. Restant attentive à ses mouvements, elle finit par entrevoir une possibilité tout à fait grotesque.

"Allons, aurais-tu peur de me blesser ?" Elle ricana mais il ne répondit rien, se contentant de parer, contrer et attaquer sans forcer.

Niri plissa les yeux. Très bien, ce serait là l'occasion de tester son endurance... petit à petit, elle le força à durcir sa garde avec des coups plus précis. Si la parade du garçon était pour l'heure impeccable, il y restait malgré tout bon nombre de faille. Lorsque son souffle se fit plus fort et que la sueur perlait sur son front haut, la maîtresse d'armes intensifia encore ses assauts sans pour autant chercher à lui nuire. Filbert suivait le combat avec avidité, il voyait combien les coups de son frère devenaient erratique.

Dans un juron, Rorel accusa un assaut brutal de l'éladrine visant à le déstabiliser pour le faire réagir. La botte était imparable, il n'avait absolument pas vu le coup venir par manque de concentration, et alors qu'il la regardait sans comprendre, il trébucha en arrière, sa lame se faisant envoyer un peu plus loin de lui. Il n'eut que le temps de cligner des yeux que la pointe acéré de Niri venait lui chatouiller la gorge.
Le garçon tenta de reprendre son souffle, mais il ne pouvait s'empêcher de vouloir parler en vain. Finalement, forcé d'abandonner, il se mit à ricanner. Miladir le contemplait de toute sa hauteur avec un air mécontent et il ne put que lui retourner cette attentive étude avec un soupçon de friponnerie. Hélas, elle ne lui en laissa que peu l'occasion, ramenant son épée sur son épaule avec nonchalance, elle se penchait ensuite pour aider le garçon à se relever de sa main libre. Elle ne semblait même pas essoufflée..comment faisait-elle ?

"Pas mal...mais je penses que tu sais pourquoi tu as fini à terre." commença-t-elle.

"J'ai été pris au dépourvu..." assuma-t-il.

"Tu n'étais pas attentif. Tes futurs opposants ne seront pas aussi patient que moi. Dès que l'occasion se présentera, ils exploiteront tes failles et tes doutes."

Elle les regarda une dernière fois avant de s'en aller. La journée était terminée.

Ce matin là, l'éladrine devait accueillir les jeunes hommes munis d'un air fatigué qu'elle ne leur connaissait pas jusqu'alors. Filbert était tout pâle et une faible lueur fiévreuse luisait dans ses yeux cernés de noir. A le voir ainsi débarquer, Niri se demanda comment il avait seulement bien pu s'extirper de ses draps. Dans son dos, Rorel lui tenait les épaules d'un air protecteur, les sourcils résolument froncés. Il fut le premier à s'exprimer :

"Il a été malade toute la nuit...mauvaise indigestion...c'est à peine s'il arrive à mettre un pied devant l'autre !" Ce faisant, le regard du jeune garçon concerné se releva un peu vers la maîtresse d'armes. Quoi ? Pensait-il être en faute ?

L'éladrine pencha la tête sur le côté en les considérant un bref instant, les bras croisés. Ces deux-là étaient plus attendrissant qu'elle ne voulait bien se l'admettre. Nonobstant, elle comprenait parfaitement ce qui se jouait là. Filbert devait être navré et en colère contre lui-même. Aussi avait-il tenu à venir en personne s'excuser de...sa mauvaise condition ? Du fait qu'il ne pourrait pas, aujourd'hui, suivre un entraînement qu'il prenait très à cœur ? La jeune femme soupira et vint poser un genoux face au garçon. Là, elle remonta sa main sous son menton pour le forcer à affronter son regard clair.

"Il n'y a pas de honte à avoir." lui assura-t-elle d'une voix maternelle, tandis que sa main descendait sur la jeune épaule. "Il faut prendre soin de son corps pour espérer en tirer quoique ce soit. Laisse le donc récupérer."

Un pâle sourire éclaira le visage de Niri, et bien vite, Filbert lui rendait la pareille d'une façon tout à fait inattendue...

"Merci, Niri ! Tu es la meilleure maîtresse d'armes que j'ai jamais eu !" Et joignant le geste à la parole, il se jeta dans les bras de l'éladrine, totalement prise au dépourvu.

Celle-ci se figea complètement. Les bras ballant, elle n'était pas coutumière de ce genre d'effusion. Mais ce garçon était si petit...si fragile et si déterminé...  Sentir ce frêle corps malade contre elle fit naître quelque chose de totalement enfoui chez l'éladrine. Pour une fois, elle accepterait cet épanchement de bonne grâce, un petit sourire résigné coincé au coin des lèvres.

"Ouais, bon...Filbert, ça suffit..." Rorel regardait la scène, une once d'irritation dans la voix. A la première occasion, il reprit les épaules de son frère pour le détacher de son étreinte. Faisant la moue, il rajouta lorsque son petit frère obtempérait : "Va te reposer puisque t'es malade. Tu vas attraper une pneumonie à rester dehors !"

Par la suite, Filbert obtint de son père la permission express de rester sous le porche de la maison, enfouis sous des couvertures, pour pouvoir regarder le cours de Niri. Celle-ci, redevenue aussi froide que professionnelle, fit faire ses échauffements à Rorel, qui jetait parfois quelques regards en coin boudeur à son frère.

"Qu'aimerais-tu voir comme maniement ? Quelle arme emporte tes faveurs ?" Demanda-t-elle une fois achevé les prémisses.

Le jeune homme sembla réfléchir quelques instants, faisant manifestement le tour de ses connaissances en la matière, de ses envies. Il en vint à s’éclipser sans rien dire, laissant l'instructrice patienter les mains sur les hanches, jusqu'à ce qu'il revienne avec dans les mains une lourde hache.

"Ça." fit-il, manifestement content de lui. "J'veux apprendre à manier la hache."

Niri l'observa tenir son arme en haussant un sourcil. Pourquoi pas ?

"Ce genre d'arme requiert un maniement brut et féroce. Si tu combat sans bouclier, tu offriras sans cesse des ouvertures mortelles à tes ennemis. Mais...en admettant que tu sois plus rapide, tu pourrai faire beaucoup de mal autour de toi." ce détail sembla réjouir l'éladrine pour une raison méconnue.

"C'est ce que je pensais aussi !" conclut Rorel, fier de lui. "J'ai peut-être pas encore assez de force, mais j'entends bien remédier à ça très vite. Faut juste que j’apprenne les mouvements de base."

"Fort bien, comme il te plaira..." Niri accepta de lui montrer la théorie et les mouvements de base du combat à la hache. Celle-ci bien que plus lourde et massive que les modèles Éladrins, était tout aussi efficace et semblable dans le maniement.

Le temps passa, Rorel mettait du cœur à ses exercices, réjouit de s'exercer avec une arme qu'il aimait plus que d'autres. Filbert s'était endormi après avoir mangé à force de lutter, et ce n'est qu'au point du jour qu'il se décida à regagner sa couche. Demain serait leur dernier jour.

Ce matin là, le père des garçons vint en personne prévenir Niri que le jeune Filbert ne pourrait quitter son lit. Malgré sa bonne volonté et ses regrets, il n'avait pas la force de lutter contre son mal. Voilà qui était vraiment triste pour lui. Néanmoins, la maîtresse d'armes se contenta d'acquiescer tout en souhaitant un bon rétablissement au garçon. L'homme lui fit ensuite part de sa satisfaction concernant son travail...et du fait que Rorel semblait prendre cette semaine d'entraînement un peu trop...à cœur. Puis, il secoua la tête et s'en alla avec un petit sourire énigmatique sur les lèvres.

Si Niri ne sut pas vraiment si elle devait se réjouir ou non face à cet état de fait, elle s'en alla rejoindre la cour pour y découvrir un Rorel tout bouillonnant d'excitation. Il faisait les cents pas, légèrement vêtu d'une tunique de laine, et accueillit l'éladrine avec une moue boudeuse et des sourcils froncés.

"Vous en avez mit du temps...j'ai cru que vous étiez déjà parti !" Il fulminait presque. Pourtant, il se calma à mesure que la maîtresse d'armes s'approchait d'un pas lent et incisif.

"Eh bien, quel accueil. J'avais à m'entretenir avec ton père, il semble que ton frère soit plus malade que prévu..." la tristesse transparaissait dans sa voix, incapable de ne pas penser aux siens.

"Ouais, mais on s'en fiche de lui, il s'en remettra !" s'emporta le jeune homme en se rapprochant encore. "S'il ne peut pas passer cette dernière journée avec vous...moi, contrairement à lui, je peux...et je compte bien en profiter."

Les paroles de l'humain choquèrent outre mesure l'éladrine qui le considéra avec dégoût.

"Tu ferais mieux de profiter de l'amour que te portent les tiens, car tu pourrais tout aussi bien tout perdre demain." Sa voix était calme, aussi tranchante que l'acier. "Ton égoïsme me fait peine à voir..."

Elle observa le garçon serrer les mâchoires en baissant la tête. Sous ses long cils noir il l'étudiait, elle pouvait sentir son regard de braise posé sur elle. Il était mécontent, pourtant il ne rajouta rien.

"Va ramasser ton arme."  

Les muscles tendus, il s'exécuta. Crânement, il fit tourner sa hache d'un mouvement contrôlé de son poignet et vint se planter devant la maîtresse d'armes. Ses cheveux en bataille accentuaient plus encore se côté indomptable et sauvage dont il faisait montre. Il n'avait manifestement pas prit soin de s’apprêter correctement ce matin.

"Aujourd'hui, je vais te montrer comment te battre à la hache contre une personne maniant l'épée... Il te faut te souvenir des mouvements de cette arme pour ça, essayer d'anticiper ce que tu connais déjà. Ce que nous avons vu."

Elle se mit en position tandis que Rorel la consumait du regard, ne pipant toujours aucun mot. Un bref instant, l'éladrine en vint à se demander ce qui pouvait bien passer par la tête d'un jeune humain de vingt-trois ans tout au plus. Après quoi, la lame claqua contre la garde de la hache. Méthodiquement, lentement, elle montra tous les enchainements et les parades qu'il pouvait faire pour contrer. Le temps passa ainsi. Le rythme s'intensifiant à mesure que les heures s'écoulaient.

Rorel faisait preuve de beaucoup de rapidité malgré le poids de la hache. Il retenait bien les mouvements. Bientôt, le bruit des coups se ponctua du souffle court des adversaires. Rorel venait de trouver une faille dans la garde de Niri, et il s'y était engouffré avec appétit, n'offrant plus de possibilités à la demoiselle que de reculer, parer et reculer encore...

Son dos rencontra alors le mur de l'étable contre lequel elle fut projeté. Le corps de Rorel n'était plus qu'à quelques centimètres du sien. Il profita de son poids pour faire plier la garde maintenu de sa dame et lui appuyer la hache dans le cou. L'ombre d'un sourire appréciateur se dessina alors sur les lèvres délicatement entrouvertes de Niri. Le jeune homme dans un dernier mouvement, l'accula un peu plus, puis abaissa aussi sa lame. Il avait gagné ce duel. C'était la première fois depuis le début. Mais alors qu'il aurait logiquement dû s'écarter, le combat étant achevé, il resta là contre elle à sentir son souffle court, à contempler avidement ses lèvres. Si proches...
Il n'eut qu'à se pencher pour l'embrasser, tendrement, fiévreusement.

Niri resta les yeux ouvert à sentir incrédule le gout chaud de l'humain sur sa bouche. Son cœur battait à tout rompre. Puis...l'indignation prit le pas de la surprise, et se mit à palpiter avec indécence dans ses veines sans qu'elle ne puisse l'empêcher de se rependre dans tout son corps. Elle repoussa brusquement le jeune impudent et lui asséna un gifle royale qui l'envoya choir au sol.

"Toi...comment as-tu osé !" articula-t-elle le visage empourpré.

Après un moment de flottement durant lequel Niri, figée par la colère regardait Rorel, il se mit à ricaner, d'un rire jaune et désabusé. Il savait déjà qu'il allait affronter ses foudres en faisant ce qu'il avait fait. Du revers de la main il s'essuya la commissure de sa lèvre qui saignait puis releva ses yeux brûlant sur elle.

Mais quelle idiote elle faisait...! Elle était tellement plongée dans son office de Maîtresse d'armes qu'elle n'avait pas vu venir le coup, elle était même fière de lui, de son combat aujourd'hui. Bien sur, le comportement du garçon lui paraissait éloquent à présent... Ses regards... Depuis qu'elle l'avait sauvé par hasard, il avait dû la place sur un piédestal... Et ce, depuis le début...

Niri ne pouvait que se morigéner intérieurement. Les poings crispés, partagée entre le déni et le devoir, elle cracha finalement avec dédain.

"Je crois que j'en ai terminé avec toi."

Alors, le garçon laissa sa tête tomber sur sa nuque comme elle se détournait de lui. Il aurait pu avouer qu'il avait tout prémédité, mais à quoi bon...le résultat était le même. Niri serait partie même s'il ne l'avait pas embrassé. Il sourit en fermant les yeux, à la fois triste et curieusement fier de lui.

"Adieu, humain." fit-elle sans même se retourner.