La femme restait perplexe devant la personne qui se tenait devant elle. Jamais Berthe n'avait vue d'Eladrin de si près et la Norpalienne semblait indécise à lui accorder le contrat.

- Je vais vous dire, j'ai jamais vu quelqu'un comme vous, ça non. Vous venez de l'autre côté de la mer, à ce qu'on dit. Vous êtes plutôt loin de chez vous.

La vieille femme était grande et avait un regard sévère. Ses cheveux grisonnant étaient coiffés à la mode norpalienne d'une large tresse portée vers l'arrière. Elle portait des habits de voyages qui -bien qu'aucunement beaux- restaient complets et utilitaires. Sa caravane derrière était de taille moyenne avec un contenu dissimulé par une toile noire épaisse la protégeant du froid et des intempéries.

- Loin de moi l'idée de vous juger promptement, c'est juste que je prend beaucoup de risque en voyageant et j'aime savoir à qui j'ai affaire avant de lui faire confiance pour me protéger. Vous m'avez dit que vous saviez vous battre, c'est ça ? Bon. Et bien, vous avez l'air forte et votre regard ne me trompe pas sur votre passé, jeune fille. Vous pouvez embarquer avec moi en avant ou derrière, c'est vous qui voyez. Tant qu'on se dépêche à partir, ça me va.

La marchande à l'air sévère alla s'asseoir à la place conducteur de la caravane, visiblement prête à partir.

Explication::

Un vent froid soufflait sans répit sur ces paysages blanchâtres qu'offrait la Norpalie. Un peu plus tôt l'Éladrine avait reçu une indication concernant une affaire, plus exactement une demande d'escorte sur un voyage de trois jours de la part d'une marchande Norpalienne, une dénommée Berthe. Naturellement, la protectrice avait vu en cette offre l'occasion de repartir de cette contrée peu clémente le plus tôt possible. Aussi avait-elle répondu favorablement, empaquetant au plus vite ses minces affaires de voyage pour rejoindre la commanditaire. Par bonheur, il n'avait pas vraiment été compliquée de la trouver, même pour Niri qui n'était qu'une d'étrangère parmi tant d'autre à fouler Fort-Froid. Les indications étaient en cela parfaites qu'elles ne requéraient pas l’appui de quelconques badaud.

Tandis que Niri s'avançait pour se présenter dûment hors de l'enceinte de la citée, la femme l'attendait de pied ferme les bras croisés. Un simple coup d’œil indiqua à l'Eladrine que manifestement, il ne manquait qu'une pièce à ce convois, et cette pièce était la garde. Berthe eut tôt fait de jauger l'arrivante. Avec une méfiance à peine voilée dans la voix, elle commença :

"- Je vais vous dire, j'ai jamais vu quelqu'un comme vous, ça non. Vous venez de l'autre côté de la mer, à ce qu'on dit. Vous êtes plutôt loin de chez vous."

Un sourire sarcastique retroussa imperceptiblement les lèvres de Miladir. Oui, elle venait effectivement de bien loin. Si loin qu'aucun homme ou femme de ce continent n'avait encore foulé sa belle terre natale: Etragore.

"On ne vous a point mentis Dame, je suis Niri Miladir. Voilà bien plus de cent années que je m'exerce au combat et cinq que je foule votre continent. On m'a dit que vous cherchiez quelqu'un pour vous conduire à bon port et je constate que vous êtes toujours seule. Si ma compagnie ne vous en déplait...permettez que je me joigne à vous."

"- Loin de moi l'idée de vous juger promptement, c'est juste que je prend beaucoup de risque en voyageant et j'aime savoir à qui j'ai affaire avant de lui faire confiance pour me protéger. Vous m'avez dit que vous saviez vous battre, c'est ça ? Bon. Et bien, vous avez l'air forte et votre regard ne me trompe pas sur votre passé, jeune fille. Vous pouvez embarquer avec moi en avant ou derrière, c'est vous qui voyez. Tant qu'on se dépêche à partir, ça me va."

Et ainsi l'affaire fut-elle conclut. La hâte semblait avoir fait basculer toute trace de réticence chez cette femme, qui par chance n'avait pas émit longtemps ses doutes. *Trois jours.* songea fugacement la protectrice alors qu'elle s'installait nonchalamment à l'arrière de la carriole au cas où quelques personnes mal intentionnées auraient décidées de les suivre. Ce ne serait qu'une paisible promenade. Aussitôt cette Norpalienne satisfaite et soulagée de quelques pièces que Niri pourrait s'en repartir ailleurs se fournir en vivre frais pour ses futurs voyages.

La caravane s'ébranla. Lentement, elle se mit en marche, allant cahin-caha sur les sentiers enneigés et traitre qui parsemaient le pourtour de la cité blanche. Ni Berthe ni Niri n'avaient plus décoché un mot ce qui convenait parfaitement à l'une comme à l'autre. Ce faisant, l'Éladrine ne demanda pas ce qu'elle escomptait marchander, comme si elle n'en avait cure car cela ne regardait que la marchande en question...cependant...cependant parfois, la curiosité s’immisçait pour se voir aussitôt refouler au plus profond d'elle, sous une épaisse couche d’indifférence. Avec le temps, la jeune femme avait vite appris que se mêler des affaires des autres pouvait valoir son lot de mésaventure et désagrément.

Un peu plus tard, la journée bien installée, Niri convint du fait que manifestement, personne ne les avait suivit. Sans stopper la route, la marchande lui lança de quoi se sustenter. Sous ses yeux bleutés le paysage était morne et glacé, le ciel grisonnant et lourd de son fardeau neigeux. Cependant, par simple prudence, la maîtresse d'arme resterait jusqu'au soir afin que la nuit tombe et que les ombres, réconfortée dans leur sentiment de sûreté nocturne, n'en jouent sournoisement pour les surprendre.

"Eh voilà qu'il sera bientôt l'heure de faire halte. Je suis pas mécontente que rien ne nous ait posé problème en ce jour. Pourvus que cela dure !"

Niri descendit et acquiesça silencieusement. Elle entreprit d'aider la femme à préparer un feu en allant chercher du petit bois pas trop humide tout en profitant de ce petit travail pour vérifier les alentours direct. Seule la silhouette d'un cervidé bondissant ne l'interpella alors et elle s'en retourna, l'ouïe alerte, donner sa maigre récolte. Berthe avait allumé des torches pour les disposer en cercle autour de la caravane.

"Je ne penses pas que nous ayons été suivit. Il serait plus probable que des animaux sauvage s'attaquent à nous car les routes que nous empruntons ne semblent pas très fréquentées par les hommes."  

"Si vous l'dites. N'empêche pas que je me porterai bien qu'une fois arrivée au port moi. Faites en sorte que la nuit se passe bien."

Après un dîné frugale à peine tiédit par le petit feu qu'elles avaient obtenu, la marchande norpalienne ne se fit pas prier pour aller trouver le repos et la sécurité de sa caravane. Au dehors, malgré les torches qui projetaient plus d'ombre qu'elles n'éclairaient, pour n'importe qui d'autre qu'un Eladrin, les alentours auraient paru tels des ténèbres insondable. Bienheureusement, Niri jouissait de la vision nocturne spécifique de sa race et ô combien parfaite pour  ces occasions précises, où il fallait guetter la nuit durant quelques mouvements invisible aux hommes, des assaillants ou pire encore.

Cette nuit là, Niri ne dormit que d'un œil. Rudement installée en haut d'un arbre au tronc sec et moite stratégiquement situé, elle surveilla un ennemi qui ne survint pas. Malgré cette nuit difficile en matière de sommeil, lorsque sonna l'heure du départ, elle sauta du végétal, vive et alerte, parée.

Le jour qui suivit fut semblable au précédent, si ce n'est qu'elles durent essuyer des vents contraire exécrablement froid. La protectrice eut la désagréable impression que sa seule occupation en cette journée fut de réajuster ses fourrures pour tenter vainement de tromper ce froid mordant. Seule sa détermination et son professionnalisme la maintenait d'attaque, après tout elle en avait vu des pires au cours de ces dernières années.

Un paysage boisé les accueillit, lugubre et inquiétant dans la faible lueur vespérale. Les femmes ne s'étaient pas encore interrompu pour prendre du repos.
L'environnement était étrangement silencieux. C'était comme si, subitement l'obscurité avait tout engloutit, le son ainsi que les âmes vivantes peuplant habituellement les forêts.

Cette nuit allait pourtant devenir le théâtre d'une chasse solitaire. Aussi silencieux que la mort, sa fourrure se fondant parfaitement au paysage blanchâtre, un magnifique loup des neiges attendait tapis dans l'ombre. Solitaire prédateur, il guettait une occasion de surprendre ses proies depuis qu'il les avait découverte, arpentant son territoire quelques heures plus tôt. Si Miladir ne l'avait pas encore repéré, elle sentait bien que quelque chose clochait; tout était trop calme à présent.

"Quand la forêt se tait, souvent, le prédateur apparaît.." murmura-t-elle à l'égard de la marchande qui avait déjà entreprit d'allumer une torche. "Vous feriez mieux de rester à l’intérieur...je vous apporte du bois et je m'occupe des torches."

Soucieuse de son propre bien, la femme eut le bon sens de ne pas s'éterniser non sans avoir jeté alentours un regard emplit de soupçon.
Après avoir allumé les lampes telle qu'elle l'avait dit, Niri cala sa dague dans sa main. Elle ne voyait pas la bête, mais celle-ci la voyait très bien. Et tandis que la protectrice faisait des rondes dans le noir, le loup s'avançait, sûr de lui, peut-être un peu trop pressé par l'alléchante idée d'avoir enfin de quoi lui tenir l'estomac.

Tout à coup, la bête surgit. Miladir n'avait pas sus prédire avec exactitude sa position car tapie dans d'épais fourrés, mais elle s'était néanmoins préparée à son assaut. Le grognement bestiale du loup transperça la nuit et son silence ambiant en fut outrageusement perturbé. L'Éladrine ne valu sa survit qu'à ses seuls réflexes, un pas sur le côté lui évita une morsure meurtrière portée au cou, ne laissant qu'une fine traînée rouge sur sa joue. L'animal qui dans son bond avait raté sa cible, grogna de plus belle en se rattrapant, une foulée plus loin. Trop tard pour disposer de l'effet de surprise, le prédateur faisait désormais face à une prédatrice d'un tout autre acabit.

Désormais la chaine à dague fouettait l'air, menaçante. Le regard de la protectrice s'était durcit et l'ont pouvait voir luire dans son iris, une étincelle de violence à peine contenu. Sa posture n'en était que plus menaçante. L'animal loin de se laisser intimider, répondit à l'affrontement par encore plus de colère et de rage. Il tenta un nouvel assaut ce qui lui valu une longue estafilade sur le dos. Ses crocs se refermèrent à deux centimètres du mollet de la jeune femme, qui en profita pour asséner un coup brutal sur l'arrière du crâne de la bête.

Pendant que le combat se jouait, la marchande tremblait en contemplant, par une petite fente les ombres de ce duel projeté au sol. Avide, elle s'interrogait quant aux compétences de l'Éladrine, quel genre d'être humain pouvait bien s'amuser à combattre un loup ainsi ? Au bout de quelques instant cependant, le bruit cessa et elle perdit toute trace visuelle du combat qui faisait rage. Un coup, puis un autre, porté à sa porte lui indiqua que quelqu'un frappait à sa porte. Se rassurant en se disant qu'un loup ne frappait certainement pas aux portes, elle alla ouvrir et tomba nez à nez avec sa protectrice, la joue en sang, avec dans son sillage, le corps étendu de la créature au pelage magnifique.

Le ton était donné. Après cet évènement, plus rien ne devait les troubler dans leur périple. Berthe aida Niri à dépecer l'animal, la fourrure était belle, elle par ces temps, il ne serait pas de trop d'avoir de quoi se couvrir. Et puis, enfin s'annonça le port. La marchande fit part de sa satisfaction à l'Éladrine, qui accueillit ses compliments avec flegme et fierté. C'était là une nouvelle réussite et un nouveau paysage. La vie de la maîtresse d'arme suivrait son court...