Cela faisait plus d'une heure que Niri marchait lentement à travers une forêt adjacente de Fort-froid, une selle résolument fixée à son épaule valide. Le soir tombait doucement amenant avec lui une brume envoûtante qui se coulait petit à petit à travers les branchages morne et les résineux. Parfois, l'écho d'un cri animal se répercutait ça et là, accentuant encore l'atmosphère sombre de l’endroit. La jeune fille goûtait pourtant à ce calme offert et ne pouvait que humer avec délice la fragrance qui embaumait l'air alors; curieux mélange né de la sève des pins et de l'entêtant parfum de petites fleurs blanche. Qui d'ailleurs, où qu'elle porte les yeux, lui était donné d'apercevoir. Elle se demanda quel pouvait être leur nom...avant de se désintéresser d'elles avec désinvolture. L'instant qui suivait, Niri s'arrêtait aux abords d'un buisson épineux pour s'accroupir au sol et tenter distinguer l'emprunte animal qui avait gelé dans la neige.

Assurément, il y avait bien des chevaux sauvage par ici. Imperceptiblement, l'Éladrine sentit l'excitation la gagner, elle noua sa corde en noeu coulant suffisamment large à l'extrémité. Elle se souvenait avoir déjà croisé des troupeau de ces bête plus au nord, et alors quel spectacle cela avait été... Tant de grâce et de force n'était pas sans laisser indifférent.

A présent, c'était devenue pour elle une convoitise que de songer en dompter un. Mais comment étaient-il en Norpalie ? Ça, elle le saurait bientôt de toute évidence. A peine se relevait-elle qu'une ombre la doublait, traversant le fourré pour disparaître dans la brume, suivit d'une autre, puis d'une autre encore...

Niri se prit à sourire, c'était eux ! Les chevaux sauvages ! Combien étaient-ils ? Avec leur rapidité c'était à peine si elle avait entr'aperçu une croupe sombre. Alors, sans se presser, la jeune fille tendit l'oreille et s'avança dans la même direction que les étalons un peu plus tôt.

La nuit finit par s'installer totalement. La jeune femme qui avait retrouvé la trace du troupeau sans trop de difficulté un peu plus tôt, patientait alentours pour essayer de les distinguer. Non pas que l'obscurité la trouble étant donné sa nyctalopie, mais cette brume...était vraiment épaisse. Avec imprécision, elle dénombra les animaux au nombre de sept. Réunis dans une petite clairière au bord d'un mince court d'eau, avec un peu de chance ils passeraient la nuit ici.
C'est ce sur quoi Miladir escomptait, pour pouvoir se faire accepter un tant soi peu par ces bêtes. Ainsi, durant l'heure qui suivit, l'Éladrine patienta que l'air propage son odeur, que les chevaux se familiarise avec elle pour que son approche ne les effraie outre mesure.

A sa grande surprise, tandis qu'elle patientait appuyée contre un tronc, un étalon à la tête couleur charbon, plus hardi que ses congénères, fendit la brume pour s'approcher d'elle et s'arrêter à trois mètres, juste assez pour ne pas se faire engloutir par le brouillard. Là, le cheval la contempla sans plus bouger. Seul s'échappait de ses naseaux nerveux deux nuage de buée. Il la jaugeait.

Ce qui se jouait là, Niri n'aurait sut le dire... elle sentait simplement que quelque chose se tissait. Un lien, invisible. Mais pour autant, elle savait qu'il allait y avoir une lutte, une lutte non pas pour la possession, mais parce qu'elle devrait prouver sa valeur et se montrer digne de cet animal.

Alors, comme si le pacte s'était passé tacitement entre eux, la bête s'avança vers l'Éladrine d'un pas vigoureux et vaillant. Son iris à la lueur d'intelligence indéniable, était aussi sombre que sa tête et sa crinière, et à vue de nez Niri imagina sa robe d'un gris souris splendide. Elle tendit une main franche et la bête qui vint poser son museau pour en apprécier l'odeur. Doucement, sans quitter le cheval des yeux, elle déposa la selle au sol en se pliant, puis s'empara de la corde qu'elle avait prévue.

Le Cheval en question:

Niri resta en suspend pendant quelques seconde avant de lancer la corde dont le noeud coulant se referma aussi sec autour du cou de l'animal. Dans un hennissement, la bête dans toute sa vigueur se releva sur ses pattes antérieures. Mais la prise était trop bonne. La seule faiblesse de l'Éladrine était sa blessure à l'épaule à peine pansée de la veille. Lorsque le cheval tira trop fortement, elle sentit une douleur irradier son muscle mais ne relâcha pour autant. L'occasion était trop bonne, cet étalon trop beau. Dans un râle, elle usa de la force de ses bras pour dans un effort conséquent se hisser sur le dos de l'animal. S'en suivit une lutte acharnée, féroce mais presque gracieuse, de chacun des deux êtres.

Après un temps qui parut des heures à la maîtresse d'arme, le cheval se calma et baissa la tête pour aller tranquillement boire a la rivière. Niri était à bout de souffle, mais elle souriait, d'un sourire tel qu'il y avait longtemps qu'on n'en avait plus vu sur son beau visage. Presque avec amour, elle se pencha alors pour déposer sa tête sur le corps de la bête et flatter son encolure tout en muscle.

"Tu t'es bien battu." lui murmura-t-elle à l'oreille. "Je suis Niri. Et toi, tu sera... Brume."

Spoiler: