15ième de Dan, 16ième année de l'ère du second Souffle
Pendant la nuit, quelque part au sud-ouest d'Hydrasil

- Ce n'est pas le moment de faiblir ! hurla la jeune mage à ses hommes qui semblaient à bout de force. La piste est encore fraîche, je peux presque sentir leur immonde présence...Je vous donne une minute, le temps de boire un peu et nous repartons. Ils ne nous échapperont pas!

Saisissant sa propre gourde elle inspecta les environs à l’affût. C'était la première fois qu'une proie se laissait désirer à ce point et Maewen y prenait presque plaisir. Les guerriers étaient au nombre de sept alors que les fuyards n'étaient que trois. Cependant, ils faisaient preuve d'une rapidité quasi respectable. L'astre nocturne serait bientôt à son apogée et la lumière qu'il envoyait refléter sur la neige avait l'avantage d'éclairer toute la forêt.

Ajustant ses bottes, retirant son capuchon, elle fit glisser deux dagues à sa ceinture le regard perdu dans l'horizon. Elle songeait à son maître et elle était très impatiente à l'idée de lui faire cadeau de la tête de ses misérables Tiefflins. Être l'Inquisitrice du Gantelet était un grand privilège et la jeune femme s’efforçait toujours de combler et même de surpasser les attentes de son chef.

Le temps écoulé, elle fit signe à ses compagnons de reprendre leur course. Les branches épineuses fouettaient son visage sans pour autant la déstabiliser. Les seuls sont perceptibles étaient leur respiration régulière et profonde ainsi que le bruit de leurs pas dans cette courses effrénée. Dix minutes à peine et déjà elle pouvait les entendre. Ce n'était pas normal étant donné leur agilité de faire autant de boucan...

Le groupes arriva finalement à leur hauteur, mais ils n'étaient pas seuls. L'un deux était déjà au sol et une légère fumée se dégageait de son cadavre. Les deux autres enchaînaient les coups mais leur adversaire tenait bon. Soudain la forêt s'illumina alors que l'individu prenait littéralement feu sous leurs yeux épatés. L'Inquisitrice ne perdit cependant pas de temps, elle voulait en finir quitte à se joindre à cette torche humaine. La magie ne cessait de l'impressionner, mais ne lui faisait pas peur du tout. Utilisant à son tour son pouvoir, elle fit apparaître un linceul magique en guise de protection. Elle donna l'assaut, dagues en mains.

Quel spectacle fascinant, pensa Maewen tout en faisant signe à ses confrères de passer à l'attaque. En un rien de temps un deuxième Tiefflins fut calciné sur place, ce qui fit sourire la mage qui avait de moins en moins de travail sur les bras. Alors que l'inconnu s'effondrait et que les flammes disparaissaient, le dernier fuyard tenta de déguerpir mais les adeptes du Gantelet l’encerclaient déjà.

Empoignant l’arbalète accrochée dans son dos, elle échangea un dernier regard rempli d'une haine mutuelle avec le Tiefflin avant de l'abattre d'un carreau dans la gorge. Elle lui offrait une mort douloureuse et paniquée, c'est tout ce qu'il méritait.

Une fois qu'il baignait dans son sang, elle s'employa à lui trancher la tête puis elle la plaça dans un sac de tissu noir. Son trophée en main elle s'approcha de l'homme de feu qui gisait sur le sol. Quelques instants plus tard il ouvrit les yeux un peu confus.

- Vous n'avez rien à craindre, pour l'instant, dit-elle en l'aidant à se relever. Je suis Maewen Longstride, Inquisitrice du Gantelet et ces Tiefflins nous ont donné du fil à retorde. Je suis heureuse que vous vous soyez trouvé sur leur route, votre intervention fut efficace. N'avez-vous pas envie de nous accompagner jusqu'à notre quartier général ? Masque d'acier serait fier de compter un individu possédant un don si intéressant et une vigueur hors du commun. Vous ne semblez cependant pas maîtriser vos talents complètement, mais la chose n'est pas impossible. Vous m'intéressez au plus au point, sombre inconnu. Votre regard est lourd et fier, ça me plait. Votre passé ne nous intéresse pas. Cependant, vous avez été témoin de notre opération alors soit vous nous suivez, soit vous mourez ici même sur cette terre indigne qui accueille le fruit des créatures de l'Outre-monde. Bélin est une vraie plaie...! Bref, que choisissez-vous ?

Le visage de la jeune guerrière était des plus impassibles alors que tous empoignaient leurs armes respectives prêts à en découdre et surtout à en finir un fois pour toutes avec cette pénible mission qui les avait menés loin de chez eux et loin de leur inspiration à tous, leur chef au visage d'acier. Seule Maewen et quelques autres connaissaient sa vraie apparence, mais même sans son masque, son inflexibilité et sa détermination légendaires transparaissent plus que tout autre chose. Le Gantelet était infaillible et seul un fou ou un ignorant refuserait une telle offre.

Mais c'est qu'il était farouche que ce dompteur de flammes! Et il ne faisait pas bon jouer avec le feu alors peut-être ferait-elle mieux d'adapter son discours quitte à camoufler sa propre impatience le temps de mieux le cerner. Sa réticence et sa furie démontraient qu'il n'était pas dupe au moins, même si cette colère serait certes bien difficile à dompter.

La faction n'écrasait pas ses fidèles, elle les aidait plutôt à dominer leurs pulsions afin de les rediriger sur l'ennemi en temps utiles. Maewen n'était pas de celles qui courbaient facilement l'échine, et elle l'avait regretté chaque fois que ses insubordinations étaient venues courroucer ses supérieurs hiérarchiques. Cependant, une fois qu'elle comprit le pouvoir et la force qu'offrait une loyauté sans faille, elle fut bien heureuse d'avoir été corrigée encore et encore puisqu'elle était désormais sur le droit chemin, le chemin de la foi et de la victoire. Chaque homme et chaque femme au sein du Gantelet pouvait compter sur compères n'importe où et n'importe quand car aucun d'eux ne fuyait, aucun d'eux ne craignait.

Le groupe installa un petit campement afin de prendre du repos le reste de la nuit, après tout les hommes l'avaient bien mérité. Quant à elle, elle cassa la croûte et offrit du pain et du lièvre rôti à l'inconnu qui tentait de rester à l'écart le regard fixe et sombre sous les derniers rayons de lune qui disparaîtrait bientôt derrière la cime des géants de Bélin.

- Vous euh, vous en voulez ? Je ne voudrais pas vous forcer une fois de plus, mais nous partons dans quelques heures et une fois en chemin, nous nous arrêterons peu. Et ce ne sera pas chose facile si je dois vous contraindre chaque fois que j'ai besoin de votre contribution...

Elle soupira légèrement avant de poursuivre :

Vous savez quoi ? Vous pouvez partir. Je n'ai pas envie de me méfier sans arrêt et encore moins de vous retenir contre votre gré. Peut importe ce que vous pensez,  c'est très probablement faux. Je prend soin de mes confrères puisqu'ils font de même avec moi. Il est vrai que le Gantelet peut se montrer sévère, mais il ne l'est jamais sans raison. Votre don, votre magie quelle qu'elle soit nous serait très utile si vous parveniez à la contrôler et ÇA nous pouvons vous aider à l'obtenir. Nous avons de nombreux mentors et un fort entier pour nous entraîner. Et si vous venez avec moi, je me porterai garante de vous, j'assurerai votre liberté si vous deviez partir faute d'avoir trouvé votre place. Est-ce que cette offre vous semble plus raisonnable monsieur...?

Lui lançant un regard sincère mais neutre, elle attendit sa réponse tout comme son prénom, pain et viande tendus vers lui.

Soit il avait du cran à revendre, soit il n'avait cure de son propre sort, déjà brisé autant qu'un homme pouvait l'être sans perdre complètement la raison. Elle connaissait le goût amer et brûlant de la peine, la rage et le désir de vengeance, mais elle avait l'impression que que toute cette dévastation intérieure faisait désormais partie de cet individu et qu'aucune parole ne pourrait lui épargner quoi que ce soit. Il n'allait pas la suivre ni rejoindre les siens, alors elle ne voyait qu'une ultime alternative pour lui afin de pas avoir besoin d'empoigner ses dagues pour le libérer de sa souffrance, en soi c'était un énorme cadeau, mais elle préfèrerait éviter tout ça.

Elle lui laissa le temps de finir de manger avant de lui répondre sur un ton qui se voulait calme mais décisif. Après tout, elle en avait vu d'autres, et ce n'était pas la peur qui la faisait agir avec prudence, cet homme déchu l'intriguait.

- Ma liberté je l'ai vraiment acquise lorsque j'ai rejoins le Gantelet. Je n'avais plus à craindre pour ma survie contrairement à vous qui fuyez je ne sais quoi depuis je ne sais combien de temps. Mon devoir m'apporte la sécurité, une famille et un but à atteindre. Personne ne me contrôle, Masque d'acier a seulement su me montrer le chemin et ma foi s'occupe du reste. J'ai la force de part mon entêtement et mon entraînement. Me faire guider ne brime en rien ma liberté, je suis seul maître de mon destin.

«Je compatis à votre douleur, vraiment. Si la liberté est tout ce qui vous reste selon vous, considérez donc ma dernière proposition. Vous bénéficierez des mêmes avantages et privilèges que les fidèles de l'Ordre tout en étant libre de toute attache, vous serez celui qui décide de la marche à suivre et vous pourrez demeurer un vagabond solitaire je n'en ai rien à faire. Devenez mercenaire et travaillez pour le compte du Gantelet et vous serez grassement récompensé.»

«Vous pouvez nous tourner le dos quand cela vous chante, nous demandons seulement des preuves de vos meurtres et vous serez payé pour chaque Aasimar, Tiefflin et autres abominations que vous terrasserez. Je vous remettrai un anneau qui prouvera que vous faites partie des nôtres, de cette façon les fidèles vous aiderons en cas de besoin et vous serez traité en roi dans les auberges de la Norpalie. Comme preuve de ma bonne foi, je vous laisserai un de nos chevaux. Celui-ci saura vous mener à nous si vous lui dites de retourner à la maison. Cette offre est valable tant que vous conservez cette bague. Qu'en dites-vous, Monsieur Akim ?»

Les yeux de la mage combattante scintillaient à l'idée que cet homme incontrôlable ne le devienne encore plus en acceptant d'éradiquer cette peste de l'Outre-monde en leur nom. Elle retira son propre bijoux d'argent pour le lui tendre dans l'espoir qu'il accepte. La chevalière de forme carrée arborait le sceau du Gantelet en son centre ; le phœnix symbolique. Le temps ne semblait pas l'avoir terni et un aura meurtrier émanait de l'objet. Elle espérait que cela suffise à lui faire entendre raison.

Ils marchèrent à travers les bois pendant une heure et demi environ avant de retrouver les montures qui les attendaient patiemment dans la pénombre d'une aube hâtive. Akim s'étonnait d'un rien ou maudissait à tout va mère nature lorsqu'elle lui faisait des misères, sa captivité devait y être pour quelque chose...Ou pas. Sa colère et son impulsivité constante me rappelaient que finalement il n'aurait pas eu sa place parmi nous si ce n'eut été de ce compromis. Au diable ce don hors du commun si l'homme qui le détient est un vrai danger public.

Un de mes hommes se chargea de le faire monter en selle puis de lui enseigner les rudiments d'une chevauché convenable. À ma grande surprise, le mercenaire fraîchement recruté trouva même matière à sourire sur le dos de l'animal et il pu rapidement se débrouiller seul. Alors qu'il était à distance en train d'effectuer quelques expérimentations, je m'adressai à mon commandant.

«Veillez à le faire chevaucher près du cavalier de tête, nous devons impérativement garder un œil sur cet homme, il est totalement imprévisible, fort utile pour l'avenir, mais imprévisible. Que tout le monde soit mis au courant et que personne ne le provoque ou le confronte.

Sa rage tout comme ses flammes sont dévastatrices. Peut-être pourrais-je tôt ou tard obtenir sa confiance ou son respect à tout moins. Malgré ces défauts, nous devons apprendre à le voir comme un frère puisqu'il fait désormais partie des nôtres. Menons ce présent à notre Maître en un seul morceau, compris?»

Il acquiesça et s'en alla informer les autres sans s'attirer les foudres de notre nouvel ami qui mettait maintenant pieds à terre près de moi. Au vu de sa réaction, il était fort content de sa première balade, je lui rendit un sourire sincère.

«Je vois que vous vous en sortez sans peine, ser Akim. Je me demandais, seriez-vous d'accord pour faire le long voyage avec notre cohorte, de cette façon vous aurez sans doute la chance de vous acquitter de votre tâche en récoltant un premier trophée? Vous recevrez votre récompense à notre arrivée à Fort-froid, nous avons un repaire secret dans une auberge nommée L'Éternelle chopine, alors inutile pour vous d'attendre jusqu'au grand fort pour recevoir ce qui vous sera du.

Cette fois ceci est une simple suggestion, n'ayez crainte. Soyez aussi assuré que vous êtes en droit de remettre en cause nos méthodes ou mes décisions, chacun à son mot à dire. Donc, qu'en pensez-vous?»

J'attendais sa réponse et l'une ou l'autre des options me convenait, même si j'avais envie d'apprendre à le connaître à ma propre surprise. Derrière ce masque d'agressivité se trouvait un homme et ses nombreuses aptitudes, j'aurais aimé être une de ceux qui auraient la plaisir de venir à bout de sa colère et, au final, d'acquérir son respect. Une fois de plus, l'invitation était lancée et son regard indifférent était tout aussi indéchiffrable qu'à notre première discussion.