Cela faisait maintenant trois semaines que Eramos résidait à Simpliste. La saison froide s'éternisait et avec elle les tempêtes de neige et les bourrasques de vent. En lisière du village, le chasseur de prime avait trouvé une cabane inhabité depuis des années. Cela lui avait prit un jour à la remettre en état complètement. Il avait du colmater les diverses brèches dans les murs et le planchers, lacunes du temps et de l'absence d'entretien. Cela fait, il avait été cherché du bois dans la forêt pour alimenter le feu. Maintenant bien parti, il savourait cette quiétude bien gagnée. Il avait une bonne réserve d'or pour aller s'acheter de la nourriture au village et il pourrait toujours aller chasser, mais pas avant que la tempête ne se calme.

Le jour d'après, celle-ci tomba et l'homme dans la quarantaine en profita pour aller se dégourdir les jambes à l'extérieur. Il avait gardé deux planches de bois qu'il s'était attaché aux chevilles pour lui servir de raquettes. Le paysage était d'une beauté rare. Tous était d'un blanc immaculé, ce qui restait plutôt rare en Bélin qui était un pays généralement pluvieux.

- Monsieur, monsieur !

C'était une voix d'enfant. Un garçon peut-être âgé d'une dizaine d'années était agenouillé devant Eramos visiblement à bout de souffle.

- Vous devez m'aidez, c'est Sulios, il est...

- Doucement, reprend ton souffle.

Après un instant, l'enfant reprit son récit.

- Ce sont les loups, ils sont revenus. Sulios et moi étions en forêt quand... On s'est fait poursuivre par eux et ils ont réussit à l'avoir.

- C'est bien triste tout ça, mais qu'est-ce que je peux y faire ?

- On dit que vous êtes un chasseur, c'est du moins ce que papa m'a dit.

Le vrai terme était chasseur de prime, mais c'était inutile de l'expliquer à un enfant.

- Je me disais que vous pourriez tuer ces bêtes qui ont fait du mal à Sulios pour que ça n'arrive plus jamais. Je vous en prie.

- Je regrette, je ne peux rien pour toi. Retourne d'où tu viens et préviens les adultes, eux s'en chargeront.

- Ils ont plus peur que moi des loups ! Ils disent que ce qu'est arrivé à Sulios est déplorable, mais qu'on ne peut rien y faire sinon ne pas aller dans la forêt. C'est idiot, nous SOMMES en forêt. Qui sait jusqu'où les loups pourraient aller la prochaine fois ?

Il n'avait pas tord, la saison morte avait du rendre les loups plus téméraires à cause de la faim. Qu'ils se soient attaqué à un enfant était improbable, mais possible.

- Comment t'appelles-tu ?

- Jef.

Eramos s'était agenouillé à la hauteur de son interlocuteur et l'avait prit par les épaules.

- Alors, écoute-moi Jef. Tes parents ont raison, tu dois rester avec eux. Je ne suis pas l'homme que tu cherches. Retourne au village et prie pour Sulios.

L'enfant visiblement en colère se dégagea de l'étreinte.

- Ce que disent les adultes sur vous est fondé ! Vous êtes un être vil et égoïste. Je ne le croyais pas, mais maintenant si !

Sur ce, il se retourna et repartit pour le village. Eramos se releva l'air grave. En général, il n'avait cure de ce que pensait les autres de lui, mais d'avoir eu l'approbation d'un enfant qui ne le connaissait pas et ensuite de la perdre lui fut douloureux.

Jurant à voix basse, il rentra dans sa chaumière pour aller chercher son arbalète. Il suivit ensuite les traces de l'enfant menant dans la forêt. Ses pas étaient rapides démontrant qu'il avait couru sur une longue distance, mais sans être poursuivit apparemment.

Cela lui prit une heure avant de remonter la piste jusqu'à la tanière des loups. Du sang tachait la neige dans un parcours écarlate. Chargeant son arbalète de deux carreaux, il se prépara à entrer dans la grotte. Selon les traces, la meute se composait de cinq animaux. Il avait une chance de les tuer tous, étant moins rapide après avoir mangé. Inspirant puis expirant brièvement, il avança silencieusement jusqu'à pénétrer dans la tanière.

Les cris d'agonies des loups se firent entendre à des centaines de mètres à la ronde.

Lorsqu'il revint au village, Eramos portait les cinq peaux des loups sur ses épaules et un sac de toile. Tous les villageois étaient à l'extérieur en le toisant. Il y avait un mélange de peur et de satisfaction dans leur regard. Certain même semblaient dégouté par lui. Le seul qui souriait était Jef près de son père. Il s'arrêta devant lui et s'agenouilla à sa hauteur sans porter attention à ses parents.

- Sulios était ton frère.

- Oui.

Eramos hocha la tête et déposa les peaux de loup au sol. Puis, le sac de toile. Il expliqua aux parents que c'était les restes de Sulios. Il s'adressa de nouveau à Jef.

- J'ai lu tes traces. Tu as essayé de le protéger.

Jef sembla plus sombre.

- Je n'ai pas réussi. Ils étaient tous autours de lui et j'ai...

- Tu serais mort aussi si tu étais resté. Ne t'inquiète pas, tu as été courageux.

Le regard de ses parents sembla moins courroucé. Le père lui parla d'une voix presque reconnaissante.

- Je suis ravi de savoir ces animaux morts.

- Ces animaux avaient faim, ils ont vu en votre fils une proie facile. Ce n'est pas de leur faute ni la faute de Jef ou de Sulios s'il est mort; c'est la vôtre.

Il se retourna pour faire face au reste du village.

- C'est votre faute à tous. Votre peur vous a empêché de garder un œil avisé sur ces enfants et en voilà le prix.

- Comment osez-vous nous juger, vous un tueur de sang froid, s'indigna la mère de Jef. Comment pouvez-vous prendre la défense de ces loups et nous accuser nous ?

- Entre animaux, nous nous comprenons.