Bien vite ils retrouvèrent le froid de la Norpalie. L'étape de la forge achevée, les jeunes gens étaient de nouveau sur les dalles enneigées de Fort-froid à affronter la brise glaciale qui les accompagneraient près du feu d'une bonne taverne. Niri suivait Kyril, il savait où les mener. Malgré la chaleur des corps sortant à peine de la forge et les capes faisant leur office, l'air savait parfaitement trouver faille où s'insinuer. Mais bientôt, ils arrivaient en vu de leur but. Les clameurs se rependaient à travers la rue, d'écho en écho, brisant le silence alentours. Il était clair que l'endroit jouissait d'une certaine renommée. Niri enregistra mentalement le nom et la position de ce lieu par rapport à la ville.

Kyril en parfait gentleman invita Niri à entrer après avoir salué l'un des gardes. L’intérieur était aussi bruyant que le laissait présager l'extérieur mais il faisait bon vivre. Une odeur alléchante emplissait déjà les narines de l'Éladrine. Le sourcil courbe, elle regarda les clients les plus éméchés avec une certaine morgue. Les piètres créatures que voilà ! songea-t-elle fugacement.

Ils se dirigèrent alors vers une table libre pour s'y installer à leur aise. Presque aussitôt un homme, manifestement le patron de la taverne, venait à la rencontre du jeune Kyril. L'accostant avec familiarité, Niri en conclut que les deux hommes devaient se connaître depuis longtemps.

"Bien sûr et pour la dame ce sera?"

"La même chose...avec en plus une assiette de votre plat du jour et un pichet de bière."

Après tout, ce n'est pas parce qu'elle avait refusé le repas offert par Kyril qu'elle allait se laisser mourir de faim. Elle se calla contre le dossier de sa chaise, une main sur la table et l'autre sur son genoux.

"Dit moi Niri, si je monte vers le nord, à quoi dois-je m'attendre?"

Un silence accueillit la question de l'homme. Son ton était devenu familier, depuis quand la tutoyait-il ? Derrière ses paupières mi-close, elle l'observa attentivement.

"Pas à pire qu'ici..." Fit-elle lentement, un sourire carnassier aux commissures des lèvres.

Déjà le tavernier revenait avec sur un plateau leur commande. Niri sortit alors une piécette et la lança à l'homme lorsqu'il eut les mains libre.

"Tenez, gardez la monnaie."  

Le dénommé Igor remercia puis s’éclipsa pour laisser ses clients savourer leur commande. Elle porta alors le verre d'hydromel face à ses lèvres entrouvertes et dans un salut, déclara solennellement :

"A la générosité des Forgerons et à leur passion pour les flammes et l'acier !"

L'ombre d'un sourire reparut brièvement sur ses lèvres, fugacement taquin, avant de disparaître à nouveau, remplacé par la vision du fond de son verre. L'alcool coula dans sa gorge, amenant avec lui cette chaleur bienheureuse caractéristique. L'hydromel était bon, Niri bu une longue lampée de l'alcool avant de le déposer dans un claquement sonore contre le bois de la table.

Son assiette, largement garnie attira alors toute son attention. Bien vite son estomac se rassasia de cette pitance goûteuse.

"Compteriez-vous faire un voyage vers le nord ?" Demanda-t-elle doucement. "Quelque chose me dit que vous n'avez pas vraiment visité d'autre territoire que la Norpalie, si je dois me fier à votre question précédente."

Spoiler:

La musique débutait avec entrain qu'un sourire se peignait déjà sur les lèvres du forgeron, illuminant son visage abimé. Impassible, Niri avait écouté ce qu'il avait à lui dire, à présent elle essayait malgré elle de ne pas trop prêter attention à l'agitation enjouée et contagieuse du lieu. Elle termina tranquillement sa bouchée.
Ainsi, il voulait voir le monde...?

Voilà qui ne la surprenait guère. Elle-même n'avait jamais sus demeurer en place éternellement. Il était même surprenant quelque part qu'il ne soit jamais parti d'ici. Mais bon... La jeune femme le contempla plus attentivement...oui, il était jeune, il avait l'air robuste, il pourrait affronter le monde. L'étude de la demoiselle dura quelques temps. La musique résonnant gaiement à leur oreille, elle attendit de terminer son assiette et fini son verre d'hydromel avant de prendre le temps de lui répondre.

"Vous avez raison de vouloir voyager, je ne vous imagine pas rester devant vôtre forge toute une vie. La jeunesse est propice aux découvertes." Elle hocha la tête pour approuver ses propres paroles. "Quant à moi, je partirai dès qu'une occasion s'offrira à moi. Le plus tôt sera le mieux, j'ai hâte de retrouver Bélin et il me faudra voyager des mois pour cela."

Un instant, elle se laissa aller à écouter la musique entrainante et proposa de la bière à l'homme.

"Vous ne connaîtriez pas quelqu'un ayant besoin d'aide ou de protection pour un voyage ?" Un petit sourire amusé naquit sur ses lèvres. "Vous, peut-être ?"

A ce moment là, un couple de danseur trop saoul vint percuter la table avec brusquerie, emporté par leur élan. Niri se redressa juste à temps pour éviter de voir sa bière se renverser sur ses cuisses. Elle fronça les sourcils et poussa les importuns sans ménagement.

"Allez tourbillonner ailleurs !" grogna-t-elle, ne goûtant pas aux dérangements.

Un soupire plus tard, alors qu'elle allait se rasseoir en s'essuyant les mains, un homme profita de l'agitation pour se forcer un chemin jusqu'à leur table. Le regard vitreux et lubrique.

"Ehee jolie Éladrine, tu danse ?!" son souffle alcoolisé se propagea jusqu'à se faire sentir par les jeune gens.

Imperturbable, la concernée ignora l'énergumène jusqu'à ce que celui-ci la saisisse par le bras pour mettre sa demande à exécution. Heureusement pour l'individu, il n'était pas dans les habitudes de la jeune femme de provoquer quelques scandales dans de tels lieux publics. Se défaisant de sa prise d'un geste brusque du bras, elle se releva.

"Je ne danserai certainement pas avec toi, humain. Tu empeste l'alcool." dit-elle d'une voix douce et venimeuse.

"Cet homme sera mon seul compagnon pour ce soir." Un sourire faussement bienveillant barra son visage fin alors qu'elle plaçait une main sûre sur l'épaule de Kyril, attendant que l'alcoolique comprenne et jauge suffisamment bien le péril de la situation. Après tout, il fallait être idiot pour s'en prendre à deux personnes d'armes.

Finalement, l'homme sembla le comprendre et se détourna proférant quelques insultes révélatrice de sa frustration. Il disparut. Le tout n'ayant que peu attiré l'attention de la populace, le sourire de la maîtresse d'arme disparut aussi vite qu'il n'était apparut et fut remplacé par un rictus mauvais.

"Je déteste les hommes soûl." conclut-elle avant de baisser les yeux sur Kyril et réaliser qu'elle avait toujours la main sur lui.

Dans un raclement de gorge elle se défit de sa prise, faisant machinalement glisser sa main sur l'épaule.

Lassée par ces soulards, la demoiselle s'était contentée de se rassoir face au forgeron qui souriait tranquillement. Décidée à ne pas se laisser distraire, toute ouïe, elle se reversa un verre de bière l'ancien s'étant fait renversé, et le porta nonchalamment à ses lèvres. Kyril revenait à ses propos concernant le travail. Il connaissait quelque personnes susceptible de quémander l'aide de l'Éladrine ? Voilà qui était une chance de plus pour elle.

"Cela m'intéresse oui...savez-vous où puis-je les rencontrer ?" sa voix s'était forci face aux éclats environnant.

Soudain, la musique et l'esprit de festive qui régnait dans la taverne l'importunait. Des relents de tabac et d'alcool frelaté parvenaient jusqu'à ses narines, ne faisant que renforcer son déplaisir naissant. La jeune femme ne crachait pas contre un peu de bon temps habituellement, mais actuellement, elle avait surtout besoin de sommeil après avoir parcourut tant de chemin jusqu'à Fort-Froid. Enfin, elle vidait son alcool et terminait son plat avant de relever la tête sur le jeune humain. Elle écouta attentivement toute réponse de sa part puis se perdit quelques instant dans en méditation. Pour sûr, elle se souviendrait de sa bienveillance à son égard.

"Ainsi, nos routes se sépareront ce soir." Trancha-t-elle soudain sans autre préambule. "Je vous suis reconnaissante pour vôtre aide, vous n'imaginez pas combien vous m'avez été utile, Kyril. Je n'oublierai pas, et si jamais nos chemins se recroisent un jour, peut-être aurais-je l'occasion de vous rendre la pareille..."

Son regard pâle fixait avec ardeur celui bi-teinté du forgeron. Elle était sincère, son ventre ne criait plus famine, sa chaîne s'était vu offrir une nouvelle jeunesse, et voilà même qu'un nouvel emploi s'annonçait à elle...qu'aurait-elle bien pu espérer de plus ?

Miladir sourit.

"J'espère que les chambres ne sont pas très chère ici, il ne me manque plus qu'une bonne nuit de sommeil réparateur..." Ceci dit...elle laissa couler son regard alentours pour s'apercevoir que la foule avait quelque peu désemplit le lieu pour son grand bonheur.

"Je ne voudrai pas abuser plus longtemps de vôtre temps..." commença-t-elle...