« … d'accord ? » avait demandé son acolyte en le fixant de ses yeux rouges dénotant sa constante fougue et sa légère impatience habituelles.

Hector porta son regard sur l'ensemble du village avant de répondre calmement.

- Je doutes qu'il se passe réellement quelque chose ici. Certes, l'ambiance n'est pas très festive, mais c'est le cas de bien des villages que la pauvreté gagne. C'est peut-être un autre piège du Gantelet. Cela ressemble à une mascarade, les villageois sont trop apeurés pour l'être vraiment, regarde celui-là par exemple, dit-il en pointant un jeune homme en proie à de fulgurants tremblements qui l'empêchait de marcher de façon adéquate tellement la peur faisait sursauter ses membres. Finalement, c'était quand même étrange.

La Tiefflin ne sembla pas désorientée une seconde et resta de marbre. Le soldat savait ce que cela
signifiait ; elle ressentait la présence du mal et ce triste paysan ne jouait donc pas la comédie. Hector eu un léger frisson en s'imaginant l'horreur à laquelle il avait du assister pour être dans un tel état.

- Les deux hommes à qui tu as parlé, je crois que l'on devrait commencer par-là, j'aimerais bien les entendre et surtout les voir. C'est peut-être de toi qu'ils ont eu si peur , ajouta t-il avec un léger sourire.

Il fit signe à la demoiselle en armure de passer la première, se penchant quelque peu vers l'avant en guise de politesse pour la taquiner. Il ne vit pas son visage mais se l'imagina très bien arborant un air un brin exaspéré. Le dos droit et son épée longue à l'affut, Hector suivi l'éclaireur en toisa ce village aux collines douteuses d'un regard rempli de tristesse et de questions.

Ils atteignirent rapidement la maison située de l'autre côté de la place principale. Elle était rustre et une odeur nauséabonde l'entourait, mais ils n'avaient pas vraiment le choix. Le Norpalien frappa à la porte et recula d'un pas en mettant sa main droite sur la garde de son arme. Il n'eut pas de réponse. Son acolyte frappa de nouveau et plus fort accompagnant son geste d'un appel destiné à ses occupants. Toujours rien. Soudain, un insecte heurta le visage de l'imposant soldat qui sourcilla à peine. S'étirant le cou, il examina le côté gauche de la maison et vit un nuage de mouches entremêlées. Il s'en approchant lentement et du bientôt cacher son nez car l'odeur de la putréfaction le prit au dépourvu. Sous la couche d'insectes affolés se trouvaient deux cadavres.

- Je présume que ce sont tes sources, dit Hector la main sur la bouche. Si tu leur à parlé hier, cela m'étonne qu'ils soient à un stade si avancé de leur décomposition ! Beurk, c'est horrible, ajouta t-il totalement dégouté.

Un cri strident retenti alors et ils firent volte-face. Une femme tentait de fuir en tenant son bras ensanglanté. Hector regarda plus attentivement et vit que l'homme qui tremblait dans la rue plutôt avait un teint affreusement pâle et verdâtre et que du sang coulait de sa bouche entre-ouverte. Il rugit et toisa les membres de la Main rouge de ses yeux noirs et sans vie.

- Goule, dit simplement Hector de sa voix grave.

Spoiler:

Hector soupira intérieurement lorsqu'il comprit ce qui se tenait derrière lui. Deux cadavéreux s'apprêtaient à prendre une bonne grosse bouchée de chair humaine et ils attendaient aussi des amis pour le dîner. La journée devenait un peu trop compliquée. Il prit une courte respiration et pivota sur lui-même à une vitesse surhumaine. L'épée longue trancha la première goule de part en part et amputa la jambe gauche de la deuxième. Les bestioles tentaient tout de même d'attraper le Norpalien en continuant de cracher leur mépris. Il leur coupa toutes deux la tête sans plus de cérémonie. Ceci le dégoutait et il jura de venger ses pauvres bougres qui n'avaient jamais demandé à mourir de cette façon, et deux fois de surcroit.

Le temps n'était pourtant pas à la sympathie, il se devait de rejoindre sa compagne de mission pour mieux parer l'attaque.

- Rentrez tous chez vous et vite !! cria Hector en se dirigeant vers la Tiefflin.

Les paysans retrouvèrent enfin leur esprit en voyant l'arme ruisselante de sang et les corps décapités. Ils eurent tôt fait de se barricader chez eux, mais on apercevait tout de même quelques nez fouineurs près des fenêtres. << L'endroit ne regorge pas d'action au quotidien, mais tout de même...>> pensa le soldat désormais aux côtés d'Adalia qui semblait prête de part son stoïcisme et le cadavre à ses pieds.

Les membres de la Main rouge faisaient désormais face à la horde. Elles étaient peut-être désorganisées mais elles étaient nombreuses.

- Personne ne les avait remarqué avant hein ? En temps normal, elles n'attaquent qu'à la nuit tombée ! Ceci sent la magie interdite et , merde, ça pu la charogne ces trucs !! ragea Hector oubliant le reste de sa phrase.

Une vingtaine de goules se rapprochaient lentement en tentant de les encercler. Hector ne trouvait pas cela normal, elles avaient l'habitude d'êtres rapides et stupides. << Depuis quand ces monstres réfléchissent-ils ?! >> s'inquiéta Hector. Son épée pointait vers l'ennemi et la sueur coulait sur son front ; il n'en pouvait plus d'attendre alors il fonça vers la horde puante. Un court silence se glissa entre sa première frappe et le corps sans tête qui heurta mollement le sol. Il n'entendait désormais que les battements de son cœur et le fracas de son épée. Il tourna brièvement la tête pour apercevoir à travers le nuage de poussière Adalia qui engageait à son tour le combat.

Après avoir décapité la moitié des habitants de cette bourgade insipide, ils s'arrêtèrent pour constater qu'il n'y avait plus personne à combattre. Des villageois tombaient à genoux ou pleuraient devant les restes de leurs proches qui étaient, pour la plupart, méconnaissables. La terre et l'herbe devenues rouges et parsemées de corps en lambeaux dévoilaient toute l'horreur de la situation.

- Nous devons découvrir qui enlève et contrôle ses cadavres. Nous devons rendre justice, cela dépasse de loin les querelles et problèmes habituels. dit Hector sur un ton grave. Ses yeux regardaient dans le vide et il tenait difficilement son épée. Le grand guerrier ne s'accoutumerait jamais à une telle violence.

Elle laissa le soldat la rejoindre, ayant de nouveau encoché une flèche pour en finir avec le premier cadavre marchant. Elle avait une sainte horreur de ces choses, plus que toutes autres des non-morts qui rampaient à la surface de leur monde. Elle eut un soupir sec en voyant les rares faces curieuses aux fenêtres. Bande d'imbéciles heureux, croyaient-ils que les goules en resteraient à eux deux simplement parce qu'ils étaient là devant ? Il ne manquerait plus que deux ou trois paysans en moins tient... comme si il n'y en avait pas déjà assez ! En attendant la horde resserrait les rangs devant eux, tentant de les encercler, les yeux sombres rivés sur eux. Elle grimaça et ne perdit pas de temps en voyant son compagnon foncer, prenant fermement appuis sur le sol elle décocha sa flèche sur la première goule en vue mais dû s'y prendre à deux fois avant de parvenir à décrocher la tête. Dans le même temps elle préféra lâcher son arc puis sortir le cimeterre sombreflot qu'elle avait emmené, le corps à corps étant encore la meilleur façon de se défaire de ces horreurs baveuses. Elles étaient rapides, vicieuses te définitivement trop intelligente, elle faillit être mordue au moins trois fois avant de venir à bout de sa part du groupe. L'épée dégoulinante de fluides divers, transpirant et haletante elle regardait la scène avec dégoût. Le sol tournait quelque peu sous elle et elle planta l'épée dans la terre imbibée et souillée avant de s’effondrer à genoux sans cérémonie.

Elle porta une main à sa capuche avec l'intention vague de la retirer pour se laisser respirer mais se figea au milieu du geste. Non. Ils n'avaient pas besoin de ça en plus. Essuyant son front pâle elle balaya de nouveau les cadavres à la recherche d'un indice tandis que le son de la voix d'Hector lui parvenait. Fronçant les sourcils elle se releva sans lui répondre et s'approcha de la première goule, l'examinant attentivement avant de soupirer d'irritation, attrapant le cadavre d'un bras elle le cala sur sa jambe et saisit l'un de ses couteaux pour l'ouvrir de haut en bas avec une grimace de dégoût, combattant la nausée qui menaçait de la faire tomber dans les pommes. Plongeant une main gantée dans les viscères elle fouilla avec attention. Sans succès. Jetant le cadavre au loin avec frustration et horreur elle recommença avec cinq autres goules avant de dénicher ce qui la troublait. Dans l'estomac, ou ce qu'il en restait, d'une des goules se trouvait un petit éclat de gemme scintillant. Elle le regarda sous tout les angles, rien de connus de son coté, elle se releva donc et le brandit devant le nez d'Hector avec détermination, le lui fourrant dans la main avant de revenir à sa macabre besogne. En tout ? Une dizaine d'éclats imbibés d'énergies. Elles les fourra dans une bourse de cuir et la dissimula avant d'attraper son arc, de le sangler sur son dos, d'arracher ses flèches des goules et de tirer Hector à l'écart.

«  Ces éclats me mettent mal à l'aise. Je n'ai jamais vu ça et ça n'a pas l'air taillé par une main humaine. » Elle jeta un regard peu amène à la foule en pleure.

«  Le cimetière semble une bonne option... quoi que le temple n'est dédié à aucune divinité, pas de figures, pas de statues, rien. Je n'ai même pas vu une seule phrase consacrée sur les fondations extérieurs comme cela se fait souvent dans ce genre de trous... »

Hector resta songeur un moment avant de hausser les épaules.

- Rien n'est normal dans ce village, de toute façon. Nous devons nous attendre à n'importe quoi venant de ce cimetière.

Le soldat nettoya vite faite la lame de son épée sur sa cuisse gauche avant de la remettre dans son fourreau. Tous ses vêtements sentaient déjà la putréfaction et le sang alors un peu plus ou un peu moins... L'atmosphère était d'une lourdeur anormale et les villageois aussi tristes que perdus ; le temps était venu pour cet être quel qu'il soit de payer pour toute cette horreur. Hector fit un bref signe de tête destiné à son équipière et entreprit une marche rapide vers le dit cimetière. La terre était sablonneuse plutôt que verdoyante et le ciel prenait des teintes grisâtres plus les soldats avançaient. C'est à mi chemin qu'une ombre vint totalement obscurcir le soleil dans un vacarme infernal. Hector eu pour réflexe de se protéger la tête à l'aide de ses bras musclés. Il regarda par un léger entrebâillement de son armure et vit une volée d'oiseaux noirs poursuivant sa route vers le haut de la pente rocailleuse où se trouvait l'entrée du cimetière.

Retrouvant une posture moins défensive il fixa son amie et des dizaines de plumes sombres tombèrent autour d'eux. Le silence revint et le Norpalien aux yeux écarquillés s'adressa à Adalia sur un ton hésitant ;

- Cela ne me dit rien qui vaille... Dépêchons-nous d'en finir avec ces dégénérés et rentrons au quartier général !