Histoire
368ème année de l’ère du Grand CauchemarVillage de Voltecime Les dégâts sont importants, trop importants. Ci et là gisent des Humains, des soldats, des restes de goules et puis moi. Je regarde autour, découvrant l’étendue des pertes et le village couvert d’un linceul de sang. Ô combien aurais-je souhaité être toujours enfermé dans ce monde derrière celui-ci, combien je regrette cette liberté. Ces guerriers vêtus de rouge étaient trop peu nombreux, je devais intervenir. La haine émanant de ces créatures était trop puissante, si je ne m’étais pas retiré je serais mort moi aussi, oublié.
Je marche, supportant avec peine la douleur provenant de mes ailes brisées, enjambant les cadavres à la recherche d’un quelconque signe de vie. Au dernier moment, juste avant que je ne quitte cet endroit perdu pour de bon je l’entends enfin, un battement de vie, faible mais suffisant. Lentement et respectueusement je déplace quelques corps que j’ose à peine regarder afin de découvrir l’origine de cet ultime appel à l’aide. Finalement je comprends et un sourire vient rejoindre mes larmes tandis que je caresse tendrement la joue d’une Humaine, elle est si belle et semble simplement endormie bien que son âme l’ait quitté depuis longtemps.
Au creux de ses bras plaqué contre son cœur, un enfant. Cet être minuscule ne doit avoir que quelques jours à peine et pourtant, pourtant il est le seul survivant. Je rassure la mère, elle peut dormir en paix, pour l’heure je veille sur son fils. Un dernier regard puis je quitte ce lieu dépourvu de sens en direction d’une ville où il sera en sécurité derrière les imposantes murailles des Hommes du sud gelé, ce lieu qu’ils appellent Fort-froid.
378ème année de l’ère du Grand CauchemarFort-froid«
Un jour je serai le vainqueur», dit-il en croisant les bras sans pour autant revêtir son air boudeur habituel.
«
Un jour peut-être mon garçon, mais pas aujourd’hui. Je crois cependant que tu as gagné quelque chose de très important, le contrôle. Tu as su conserver ton calme et ta concentration et ainsi le jeu s’est prolongé bien plus qu’à l’habitude. Ton sens de la stratégie est indéniable vu ton âge, ça je te l’accorde! »
Joeffrey sourit, heureux de recevoir un tel compliment de la part de son père.
«
Un jour tu prendras ma place et je suis convaincu que ce jour que tu seras à ton meilleur, fils. »
Posant son regard acier dans celui de Karmark, le jeune homme lui réplique fièrement :
«
Je serai prêt, père !»
«
Je n’en doute pas un instant, le roi sera entre bonnes mains avec toi à ses côtés. Ses ennemis n’auront qu’à bien se tenir! Allons, file sale garnement, ta mère t’attend. »
Joeffrey quitta sa chaise d’un bond délaissant le jeu d’échec, s’inclina poliment devant le grand conseiller du roi, Karmark Hekhart, et s’empressa d’aller rejoindre la douce Fioline.
388ième année de l’ère du Grand CauchemarFort-froid Une fois de plus je suis incapable de dormir, assailli par ces visions d’une horreur sans nom. Si je ne peux faire payer les dieux pour leur crime je m’engage à punir chacune de ces monstruosités qui s’insinue lentement mais surement parmi nous, croyant impunément que nous sommes aveugles. Cette tragédie aura su m’ouvrir les yeux!
Elle qui était si douce, elle ne méritait pas un tel sort. Je revois encore et encore la lame glisser très lentement le long de sa gorge tandis que ces yeux exaltés par la peur me dévisagent dans un ultime appel à l’aide. Mais je n’avais que 10 ans, si peu, trop peu de saisons pour la secourir même si j’eus souhaité de toute mon âme attraper sa main pour la soustraire à cette emprise démoniaque…
Je me sens de plus en plus oppressé, je décide de me lever. À la fenêtre, du haut de ce château qui n’a plus de sens pour moi, je peux voir tout Fort-froid et bien au-delà, mais rien ne m’importe plus. Rien hormis la vengeance, ce désir qui croît avec les jours, les mois et les années. La Main rouge sera la première à payer pour sa lâcheté, et bien vite les monstres suivront. Où qu'ils soient, où qu’ils se terrent je les débusquerai, que le ciel m’entende.
Je ne peux même pas lever les yeux et contempler les astres puisque c’est grâce à ma mère que je les connais tous si bien…Rien de tout cela ne se serait produit si ses imbéciles vêtus de rouge n’avaient pas relâché cette chose sous prétexte qu’elle n’était pas dangereuse et malfaisante, non mais quels idiots! Son premier geste une fois libre fut de s’introduire au château pour se saisir de ma mère avant de lui trancher la gorge avec un sourire amusé, satisfait! Ce Tiefflin n’avait rien de mauvais, rien du tout excepté sa rancœur et sa folie! Fioline, mère, pardonnez à votre fils, pardonnez-lui d’avoir été si faible, pardonnez-moi d’être toujours ici et pas vous…
J’ai 20 ans et des poussières désormais et un brillant avenir aux côtés du Seigneur s’offre à moi, et pour honorer la mémoire de ma mère comme celle de mon défunt père j’accomplirai cette destinée. Cependant je trouverai un moyen pour le faire payer, les faire payer tous. Je ne suis pas le seul à avoir perdu des êtres chers aux mains de ces atrocités de l’Outre-Monde, d’autres se joindront à moi. On dit de moi que mon charisme est rassembleur et puissant alors il ne reste plus qu’à m’exercer. Je trouve un maigre réconfort à manier la hache, mais il y a trop longtemps déjà qu'elle n'a tranché la chair...
398ième année de l’ère du Grand CauchemarFort de la résurrection Mes troupes sont de plus en plus soudées et notre ascension ce fait sans encombre puisque nous avons semé la crainte et la surprise dans le cœur des créatures tout comme dans celui des adeptes de cette maudite Main rouge. L’assassinat de leur chef, le haut commandant Selar, aura su me faire sourire à mon tour quelques instants, mais notre travail ne fait que commencer.
Je me devais toutefois de débuter par ce meurtre qui ne fait que rétablir un certain équilibre, le fils de Selar souffrira la perte de son paternelle tout comme j’ai souffert de la mort de ma mère. Sans compter la peine qui a rongé chaque parcelle de mon père jusqu’à ce qu’il meurt de chagrin. Ce n’est pas une fin digne d’un guerrier, ce n’est même pas une fin digne d’un Homme. Ma place en tant que grand conseiller du roi est pratiquement assurée, mais je dois poursuivre mes efforts et ainsi étendre mon influence. De cette façon je pourrai peut-être restaurer l’honneur que ma famille a perdu.
Lors de notre sortie aujourd’hui j’ai pu abattre des fauteurs de troubles qui se baladaient en brandissant ma bannière tout en tuant de pauvres gens ci et là. Dans la mêlée j’ai découvert deux orphelines prises d’effroi, quelque chose en elles m’a bouleversé et je n’ai eu qu’une envie; les prendre sous mon aile. Maewen et Lanïa Longstride, deux jeunes Norpaliennes au potentiel certain. Il ne me reste plus qu’à les entraîner, trouver leurs forces et les pousser à se surpasser. Le chagrin leur donnera une raison de se battre tout comme il l’a fait pour moi. Je leur apprendrai la vérité sur les demi-êtres et elles pourront nous aider à les éradiquer.
Il n’a pas été aisé de faire renaître le Gantelet mais grâce à ma volonté de fer et quelques contacts en haut lieu j’y suis parvenu. Nous restaurons ce vieux fort abandonné afin qu’il puisse accueillir des centaines de mes fidèles, voire plus. Des messagers portent en ce moment même notre cause aux quatre coins d’Ildirith et je peux sentir la Main rouge trembler devant mon ascension prochaine. Avec le temps j’aurai suffisamment d’emprise sur cette terre de glace pour prétendre au trône de Norpalie, quitte à l’obtenir par la force. Aucun roi n’est éternel, mais ce que je compte léguer au monde le sera, mon nom deviendra une légende.
Ce masque d’acier que j’ai commandé au forgeron rempli les yeux de mes ennemis d’effroi et inspire le respect parmi mes vaillants soldats. Je me sens moi-même lorsque je le revêts et me désole à l’idée de le retirer pour retourner à ma vie de château. Il constitue un symbole de puissance et d’invincibilité dont je ne peux me passer pour l’instant, mais un jour viendra où JE serai ce symbole! Père, mère, vous serez fiers de moi et c’est la tête haute que je vous rejoindrez sur les plaines de l’Astral.
10ième année de l’ère du Second souffleFort de la résurrection C’est aujourd’hui que ma chère Maewen retrouve sa liberté en quittant sa tour, elle le mérite amplement au vue des progrès qu’elle a réalisés. J’étais convaincu qu’elle en sortirait grandie, mais malgré tout elle aura su me surprendre. Sa magie me sera utile tout comme sa fouge et sa détermination. Pourtant l’amour évident qu’elle me porte m’apporte son lot de confusion puisque désormais je ne la vois plus comme une vulgaire marionnette, elle a beaucoup de valeur à mes yeux.
Je n’irais pas jusqu’à dire que je l’aime en retour mais son affection ne me laisse plus indifférent, même qu’il me trouble. Je n’ai jamais vraiment songé à partager ma vie avec qui que ce soit, mais qui sait… Je vais lui remettre l’amulette de ma mère afin qu’elle soit guidée par sa lumière bienveillante. Peut-être qu’elle sera à même de découvrir le vrai pouvoir de cette pierre étincelante. Que les dieux veillent sur toi, Maewen, et que par ton bras les impies trépassent.
Mes hommes ont de plus en plus de difficulté à débusquer les monstres qui semblent être informés de nos moindres faits et gestes, je soupçonne ce sale Wesley Selar d’avoir envoyé un espion parmi nous. Quoi qu’il en coûte je le trouverai et enverrai ses restes déchiquetés par les molosses à son employeur. Il est temps de lui rappeler qu’il ferait mieux de renoncer avant qu’il ne soit trop tard.
Ma jambe me fait toujours des misères, maudit soit cet Hector Silus! Au moins nous avons pu abattre cette sale dragonne, j'espère que sa progéniture est morte à même son œuf. Avec un peu de chance la coquille s'est brisée lorsque la créature a chutée...Continu de jouer au héros, Norpalien, un jour ou l'autre nous croiserons l'acier de nouveau et cette fois la Main rouge ne sera pas là pour te sauver...
16ième année de l’ère du Second souffleFort de la résurrection Le seigneur Jerodian quitte la ville en me laissant aux commandes, sa confiance m’est désormais acquise, il était temps. Le pouvoir est à portée de main, mais l'heure n'est pas encore venue. Avec les années je me suis fait tempérance sur bien des points, je sais que l’empressement ne mène qu’à l’échec. Pourtant je serais ravi qu’il tombe sur le champ de bataille, mon ordre peine à se contenir par-delà les remparts du fort.
Le peuple nous craint et il faudra remédier à cela rapidement avant que toutes ces insanités à notre sujet ne prennent racines. La grande majorité des citoyens déteste les demi-êtres, elle attend cependant un guide, un libérateur. N'ayez crainte chers Ildiriens, les dernières traces de la folie d'Urion seront effacées sous peu.
Des éclaireurs m’ont annoncé le retour prochain de la troupe de guerriers qui était aux trousses de plusieurs Tiefflins, apparemment ces derniers leur ont donné du fil à retorde. Je n’ai jamais douté, je sais très bien que très bientôt ma chère Maewen franchira les portes noires pour m’apporter leur tête. Tout est bien qui finit bien.