- Votre cruauté et votre ignorance vous seront remises au centuple! Vous ne pouvez châtier tous les demi-êtres pour les fautes de quelques-uns!
- Tu as raison, je ne le peux, je le dois.
Je lui lacérai la joue droite d'un vif coup de dague. Le Bélinois ligoté sur une chaise était également maintenu en place par deux Disciples impassibles. Il ferma les yeux encaissant la blessure avant de relever la tête vers moi tandis que du sang se frayait un sinueux chemin vers son menton.
- La raison vous a quittée, vous et votre sombre forteresse. Vous vivez dans un monde qui n'existe pas!
- C'est la vie qui te quittera si tu ne me dis pas ce que je veux savoir, et vite.
- Si vous êtes aussi malin qu'on le prétend, vous savez d'ores et déjà que je ne dévoilerai rien du tout.
Je souris derrière mon visage métallique.
- J'ai songé à cette éventualité, c'est pourquoi j'ai mis la main sur un petit quelque chose qui, j'ose l'espérer, te fera reconsidérer ta position.
D'un bref mouvement de la tête j'ordonnai de faire entrer notre invitée. Ahurit, le Bélinois la suivi tristement du regard avant de lâcher prise en laissant tomber sa tête, outrageusement dégoûté mais malheureusement vaincu.
- Voici donc à quoi vous en êtes réduit, noble sauveur. Vous me demandez donc de vous dévoiler les plans de défense de Quiétude ainsi que toute information susceptible de vous permettre de pénétrer dans l'enceinte, sans quoi vous ôterez la vie à cette jeune Aasimar…
- Nous avons à faire à un véritable tacticien, par Revoran!
- Vous n'êtes pas digne de la protection des dieux, vous êtes un monstre!
- Non, tu te trompes, tu n'entends que ce que tu veux entendre, ce que tu vois et ce que tu crois n'est que mensonge. Tu veux voir un véritable monstre? Et bien regarde attentivement! Ajoutai-je en empoignant la fillette par la gorge à l'aide de ma main gauche.
Je la soulevai sans peine, elle se débattait vainement. Puis soudain un craquement retentit et avec lui une paire d'ailes couvertes d'écailles couleur de lune; une bourrasque balaya la pièce. La demi-être grogna et tenta de me mordre avec sa nouvelle dentition carnassière tandis que de ses yeux violets émanaient une colère et une incompréhension désespérées, s'était délicieux.
- Admire le vrai visage du mal qui nous ronge et implore pour que je t'épargne si tu te repends et que tu acceptes l'évidence. Comprend que nous sommes dans le même camp, je peux t'apporter la vérité, t'offrir un but, une mission visant à préserver la paix sur le continent! Les fidèles de Phélemée trouvent aisément leur place parmi nous, n'est-ce pas la justice que tu poursuis?
Une larme alla se mêler au liquide ferreux tachant son visage pâle. Cette démonstration de force me demandais peu en comparaison avec la douleur qui devait affliger le prisonnier en cet instant. Qu'il me craigne, qu'ils me craignent tous.
- Plus un mot...Si vous l'épargnez et que vous la libérez, je...je vous dirai ce que vous voulez savoir, grand Inquisiteur...dit l'Humain à contrecœur.
La manœuvre avait engendré du succès plus rapidement que je ne l'avais espéré, parfait.
- Elle doit d'abord se calmer.
- Petite, je t'implore, fais ce qu'il dit et tu rentreras chez toi…
L'Aasimar courroucée le dévisagea brièvement puis consentit à freiner ses ardeurs en repliant ses ailes, retrouvant par le fait même ses yeux doux et ses traits enfantins.
- Voilà qui est mieux, dis-je en la déposant avec douceur avant de plonger mon regard couleur de glace dans le sien. Si tu racontes quoi que ce soit à propos de cet événement fâcheux je serai forcé de te tuer, toi et tous ceux qui te sont chers, compris?
La petite hocha vivement de la tête puis je la confiai aux deux soldats présents.
« Messieurs, conduisez-la à la Capitale, veillez à lui bander les yeux.»
Je reportai mon attention sur le prisonnier brisé.
« Avec le temps tu verras que tu as fait le bon choix. On t'apportera de l'eau ainsi que de quoi manger un peu, un guérisseur s'occupera également de cette vilaine plaie, il ne faudrait pas qu'elle s'infecte. Je te conseille de ne pas te découvrir une conscience en mon absence, je n'offre jamais de seconde chance. »
Sur cet avertissement je quittai la salle et des gardes s'empressèrent de refermer la porte à clé à ma suite. Je m'adossai ensuite au mur adjacent et un individu portant une longue toge noire aux pourtours écarlates vint à ma rencontre.
- Ma foi, j'ai du me retenir pour ne pas tuer ce pauvre oiseau tant l'illusion était parfaite.
- La rigueur et la discipline, sire, c'est grâce à elles et à la qualité de l'enseignement de vos Mages que j'ai acquis une telle maîtrise. L'honneur vous revient.
- Tes efforts n'auront pas été vains, désormais tu fais partie de ma garde rapprochée. Les hommes te doivent dorénavant obéissance, tu ne prends tes instructions que de moi et moi seul.
- Je serai à la hauteur, grand maître. Je n'aurais pu espérer plus grand honneur.
- Va t'installer dans la chambre située entre la bibliothèque et mon bureau, je peux avoir besoin de toi à toute heure.
- Bien entendu.
- Ceci n'est pas un cadeau, Fetcher, tu l'as mérité. Tâche de ne pas me décevoir. Allez, file.
L'Oniriste inclina la tête et prit congé à la demande de son supérieur non sans attraper au passage le pigeon voyageur qui avait eu l'honneur d'interpréter une jeune Aasimar quelques instants plus tôt afin de le conduire à la volière.
La suite s’annonçait de plus intéressantes, mais je devais patienter quelques jours avant de récolter les aveux du Bélinois, quelques jours et quelques repas, quelques discussions, juste assez pour qu'il se sente en sécurité. Et qui sait, sans doute réussirai-je à lui faire recouvrer le bon sens.