Le voyage avait été long depuis Hydrasil. Sans moyen, Rangdor avait du entreprendre son périple à pied en dormant à la belle étoile et en se nourrissant de légumes crus et de noix, la viande séchée que les aventuriers trouvent si pratique lui retourne l'estomac. Le jeune homme préférait éviter les auberge faute de revenu, premièrement, mais surtout par dégoût du genre humain en général. Socialiser pour lui était une perte de temps et aussi une grande peur. Mais il s'en fichait, c'était toujours mieux que de croupir à l'académie et rien n'y apprendre d'intéressant. C'est pour ça qu'il l'avait quitté promptement après son examen final. Certains de ses professeurs voulaient le garder avec eux pour qu'il devienne à son tour enseignant, mais jamais il ne le ferait; il préférait mourir que de cohabiter avec de tels inerties vivantes. Il lui fallait un maître ayant vu le monde, qui connaissait vraiment la magie.

Rangdor n'avait jamais encore entendu parlé d'Icavour lorsqu'il avait découvert le village dans les registres de l'académie. Une autre bourgade insignifiante perdue au milieu de nulle part, avait-il pensé. C'était aussi ce qu'il pensait en marchant, ses ampoules douloureuses lui rappelant l'extrême longueur de son voyage. Le seul point positif de ce trajet était que la route menant au village était déserte, sans personne pour l'agacer. Ce fut comme un cadeau pour Rangdor qui avait du supporter ses stupides camarades de classes en plus de ses incompétents professeurs. Il allait capituler et s'arrêter pour panser ses pieds quand les bannières de Bélin se dessinèrent à travers la cime des arbres en fouettant l'air. Il était enfin arrivé.

Du haut de sa colline, le jeune Humain comprit qu'il s'était trompé sur l'endroit. Icavour était un village certes petit, mais allant bon train. Il vit la ressemblance avec son propre village natal, Simpliste, pour lequel il n'avait que de l'amour, mais en plus commercial et achalandé. Tout ça ne l'intéressait cependant pas. La tour à quelque lieues de là était sa réelle destination. Mais pas sans louer une chambre à l'auberge afin de bien récupérer.

Clopinant le plus rapidement possible, Rangdor arriva bientôt devant l'établissement de la gargote du voyageur. Une fine grimace de dégoût se dessina momentanément sur son visage pendant qu'il entrait. Sa tête enfouit sous un large capuchon, il s'avança au comptoir en prenant garde de ne croiser le regard de personne. Le tavernier ne semblait lui donner aucune attention, hors il le toisa d'un regard enflammé jusqu'à ce qu'il daigne poser les yeux sur lui. Ce faisant, il attendit qu'il ne lui demande:

- Ce sera quoi pour toi, jeunot ?

- De l'eau chaude et une chambre.

Le tavernier hocha la tête, mais ne semblait nullement surprit par le choix insolite de Rangdor comme s'il avait déjà servit une commande semblable. Il se contenta de donner une tasse simple et de l'emplir d'eau bouillante en disant:

- Ça fera 1 pièce d'acier pour la chambre. L'eau c'est 2 pièces de cuivre.

- À ce prix, j'imagine que le pourboire est inclus.

Rangdor déposa une pincée d'herbes contenues dans une bourse attachée à sa ceinture dans la tasse. Laissant infuser, il demanda au tavernier:

- Savez-vous où se trouve la tour d'un alchimiste nommé Zacanal... Beogus Zacanal ?

Il sentit sur sa nuque un regard, ce qu'il détestait. Sans tourner la tête, il s'adressa à la personne qui le dévisageait.

- Quoi ?

Dépenses:

L'individu qui le toisait se leva pour le rejoindre. Avait-il été insulté par son manque de tact ? C'était fort possible, surtout pour un client de ce genre d'établissement. Il jeta un coup d’œil à l'homme qui avançait vers le comptoir. Il était de taille moyenne et portait un manteau rouge à capuchon, mais étrangement c'est sa barbe qui retint le plus l'attention du jeune homme. Les longues pointes de sa moustaches disparaissait sous sa tunique, ce qui laissait croire à une longueur impressionnante de la barbichette. Rangdor se demanda même comment elle était soignée. Était-elle attachée ou tressée ? C'était peut-être idiot d'y penser, mais c'était le genre de questionnement qui taraudait l'esprit du mage qui avait peine à laisser un mystère irrésolu. Malgré tout, le jeune mage se préparait à toutes éventualité. Cette bourgade insignifiante semblait paisible, mais cela ne voulait pas nécessairement dire que ses habitants soient pacifiques. Un sort sur les lèvres, il se le répéta en tête longuement, conscient qu'une fois amorcé, il ne serait plus possible de reculer pour sa propre sécurité.

La démarche de l'individu ne démontrait aucune agressivité et sa marche fluide le mena au comptoir sans incident. Il s'assit sur le tabouret voisin au sien et chercha son regard. Le sien était franc et semblait sans malice sinon celui de l'analyse perpétuelle d'une connaissance indomptable. Le genre de regard que lui-même portait sans cesse. L,individu s'adressa au jeune mage d'une voix suave et détendue, du genre à charmer une foule par de belles paroles.

- Et bien, il semblerait que vous cherchiez à vous rendre jusqu'à ma demeure, enchanté, je suis Beogus Zacanal. Mais laissez moi vous dire, mon cher ami, que si vous souhaitez acheter quelques élixirs, des composants d'alchimie ou bien encore des liqueurs, il vous faudra hélas passer la commande aujourd’hui afin que je vous l'apporte la semaine prochaine, je n'aime pas vraiment être dérangé lorsque je suis chez moi. Avec un peu de chance , il me reste dans mon sac ce qu'il vous faut. Alors, à qui ai-je l'honneur et que puis pour lui?

Alors c'était lui. C'était évident maintenant. Rangdor aurait du remarquer un confrère mage au premier coup d’œil de par sa façon de se vêtir et son image corporel. Il ne ferait plus jamais la même erreur. Décochant l'un de ses rares sourires, le mage sombrement vêtu lui répliqua sous un ton tout aussi mélodieux.

- Rangdor Aroden, mage. Enchanté de faire votre connaissance. J'ai beaucoup lu sur vous, monsieur Zacanal. Enfin, ce qu'il y avait à lire sur le mince registre portant sur vous à l'Académie.

Rangdor prit une pose en analysant les traits de l'homme tout en buvant une gorgée de sa boisson chaude. Celle-ci l'aidait à dégager ses poumons du mucus les obstruant. Cela lui fit du bien et il inspira longuement en s’imprégnant de cette douce sensation en sachant qu'elle n'était que temporaire et que sa maladie reviendrait le prendre d'assaut.  

- N'ayez crainte, je ne suis pas ici pour vous harceler, même si m'acheter une ou deux de vos concoctions ne me déplairait pas. Ce qui m'amène ici reste de la discussion, en particulier avec vous.

La soirée s'amorçait et l'auberge se remplissait à vue d’œil et ce sur un ton festif et joyeux. Cela agaçait Rangdor.

- Peut-être pourrions-nous partager quelques connaissances dans un endroit plus propice et moins... bruyant ?

Informations:

Rangdor hocha la tête. Le soir était tombé et voyager de nuit ne lui plaisait pas du tout. De plus, il se sentait éreinté de son périple à pied. Ce n'était pas une habitude pour le nouveau mage de marcher sur de longues distances. En habitude c'était son frère jumeau Servantor qui l'emmenait où il le souhaitait grâce au chariot de leur défunt père. Mais ils avaient du vendre les chevaux pour avoir de quoi vivre et que Rangdor puisse entrer à l'Académie d'Urion. Le fait qu'il n'ait vu son frère depuis près de deux ans vint soudainement à son esprit. Il ne s'était pas ennuyé de lui, ni même ne lui avait écrit pour lui donner des nouvelle se contentant de lire brièvement les lettres qu'il recevait de Servantor. Il se demanda où il était en cette période de l'année et se répondit que plus loin ils étaient plus loin il se porterait, l'agaçante bienveillance de son frère lui étant insupportable. Il espérait seulement ne pas avoir besoin de sa grande force pour les jours à venir; sa magie suffisant.

- Je vous attendrai donc.

Se levant en emmenant sa tisane, Rangdor gravit les escaliers qui menait au premier étage, là où il y avait les chambres. Inspectant la clé que le tavernier lui remit, il se dirigea ensuite à la chambre numéro six qui se situait à l'extrême opposé de l'entrée et du comptoir de l'auberge; l'endroit le plus tranquille si cela se pouvait.

Il ouvrit doucement la porte et entra dans la chambre promptement en prenant soin de bien reverrouiller derrière lui, son intimité étant sacré. La simple lueur de la lune et des eaux la reflétant éclairait les murs dans une lueur calme et reposante. Inspirant longuement les odeurs humide du bord du lac, il ne put retenir une quinte de toux qui lui fit renverser le quart de sa tisane. Cherchant sur lui à tâtons, il extirpant de sa robe un mouchoir avec lequel il se couvrit la bouche. Du sang perlait sa surface lorsqu'il l'enleva, sa toux passée. L'effet de la tisane n'avait pas durée longuement.

Au même moment, il entendit cogner à la porte. C'était surement Beogus. Rapidement, Rangdor tira une chaise devant lui et s'assit sur le lit. Ayant oublié de déverrouiller, il récita une incantation simple en murmurant. Il sentit alors une parcelle de son énergie s'éteindre, le rendant momentanément las.

- C'est ouvert.

Lorsqu'il vit Beogus à-travers le cadre de la porte, il lui fit signe poliment d'entrer. Il pointa la chaise devant lui.

- Je vous en prit mettez-vous à votre aise. Si vous aviez aussi l'obligeance de verrouiller derrière vous je vous en serais reconnaissant. Il vaut mieux rester prudent lorsqu'on parle de flux magiques.

Son regard se dirigea vers la lampe à l'huile et les allumettes posées sur la commode à mi-chemin entre le lit et la chaise.

- Ne vous gênez pas non plus si vous voulez plus de lumière.

Dépenses :

Rangdor ne pu s'empêcher de sourire à la question de Beogus. C'était une question des plus difficile à répondre pour un mage un minimum connaisseur des règles magiques. Buvant une dernière gorgée de sa tisane, il déposa la tasse sur le bureau adjacent pour enfin croiser ses main sur ses cuisses.

- C'est un peu délicat pour un mage de demander à un confrère ce qu'il sait de la magie. Pour toute réponse je vous répondrai ceci. L'académie d'Urion se spécialise dans la magie profane. Or, je connais la théorie de tous les sorts et leurs effets directs ou indirects. Malheureusement -et comme tout mage débutant- c'est la puissance magique qui me handicape.

Il leva les yeux et arqua très légèrement la tête vers la gauche, essayant de déceler une émotion quelconque dans le gestuel de Beogus.

- Sinon, je sais qu'il y a la magie spirituelle qui se compose de l'école de Divination et de l'école de la Protection et la magie dite sauvage qui regroupe l'art interdit et celle des druide.

Rangdor se laissait le loisir de ne pas révéler qu'il connaissait aussi plusieurs sorts chamaniques sans pour autant pouvoir les lancer.

- Mais ce qui m'intéresse, mon cher monsieur c'est l'alchimie. Bien que ce ne soit pas une science complétement magique il n'en demeure pas moins qu'elle est complémentaire et des plus utile. C'est la raison qui m'a poussée à venir vers vous aujourd'hui, sieur. L’herborisme n'a aucun secret pour moi j'estime donc être un atout pour vous afin de vous aider dans la confection de vos différentes potions.

Pour sa demande Rangdor prit un air charmeur, faisant ressortir ses qualités de bon parleur charismatique.

- Vous pourriez me prendre comme apprenti et en échange je vous aiderais à faire les tâches basiques dans le développement de vos potions. Qu'en dites-vous ?

Sa réponse était donnée, il avait accepté. Cependant, l'alchimiste avait réussit à lui retourner la question d'une manière habile digne des politiciens et orateurs des pays humains. Rangdor comprit à ce moment qu'il n'avait affaire à un idiot comme ses anciens professeurs de l'académie. Cela le soulageait.

Le mage d'Icavour ne semblait pas prêt à aller se coucher. La nuit était en effet jeune, mais c'était certainement pour une autre raison qu'il semblait vouloir continuer sa discussion avec Rangdor: il voulait en savoir plus sur lui que ce soit directement ou indirectement à-travers le récit de ses connaissances magiques. Pour sa part, Rangdor était également curieux, mais restait prudent. Il ne fallait pas user de manières aussi basiques avec un mage de plus gros calibre que lui, sachant pertinemment que Zacanal connaissait certainement ces petits tours de joutes verbales et psychologiques. Il préférait laisser couler les informations qu'il voudrait et lui laisser croire qu'il était dupe de ne pas s'en apercevoir.

Pour lui répondre, Rangdor se contenta d'opiner du chef sans en révéler plus sur son acceptation.

- C'est un village magnifique, mentit-il habilement. Vous devez vous y sentir reposé et non dérangé. La populations sait-elle que vous pratiquez les art occultes ?

Puis, il rajouta:

- Une question me taraude. Vous devez vous en douter. Quelle est votre école de magie de prédilection ? Je tiens à en savoir le plus sur les différents flux et leur utilisation.

- Pour tout vous dire, je suis ce qu'on appel un prophète, j’étudie et je pratique donc la magie divine, une famille de l'école spirituelle comme vous avez très bien put l'expliquer précédemment. Pour répondre à votre question précédente, hors-mis l'aubergiste et sa nièce à qui j'ai prodigué des soins, très peu de personnes, à Icavour, savent que je suis un pratiquant.

Ce n'était pas étonnant. Les gens avaient encore peur des utilisateurs de magie. La guerre d'Urion était passée depuis plus de quatre-cent ans et on avait toujours la crainte que pareille incident se reproduise. Dans la plupart des cas, les gens ne pouvait même pas dire pourquoi ils craingnaient les mages. Ils répondaient simplement que ces Pratiquants n'étaient pas ''faits'' pour vivre avec les gens ''normaux'', qu'ils étaient dangereux et incontrôlable.

Le contrôle, c'est ce qu'avait voulu exercer l'Académie sur sa personne. Rangdor avait feint d'être en accord avec sa philosophie pour qu'on le laisse tranquille; ça avait été le pire moment de sa vie. Des confrères, comme lui, détenteur d'un pouvoir extraordinaire et supérieur au commun des mortels étaient confiné dans une prison doré et lobotomiser par la peur de la communauté non-magicienne. Jamais personne ne le conrôlerait, lui, Rangdor Aroden.

- Je comprend. Bien entendu votre secret est en sécurité avec moi.

Il était donc un prophète, intéressant. Ce genre de magie n'était monnaie courante parmi les mages de l'académie. La Divination était souvent vu plus comme une malédiction qu'un réel don; les visions que les prophètes pouvaient avoir étant lourd à porter au quotidien. Rangdor se demanda si Beogus avait ces même genre de vision et s'il pouvait lire en ce moment dans ses pensées.

- On dit que la Divination a ses complications autant que ses atouts. Néanmoins, elle reste une école de magie que je trouve intéressante. Bien plus subtile que les simples sorts aidant à créer le feu ou la foudre...

- Je ne souhaitais pas vous en parler, mais disons que l'inconnu m'intrique. Au moment où j'ai posé les yeux sur vous, j'ai constaté que vous soufriez, il ne s'agit pas de vos pieds, qui certes vous démangent et dont je me ferrais une joie d'y remédier, mais d'une douleur plus profonde. C'est en remarquant, malgré le peu de luminosité qu'offre cette pièce, cette goûte de sang sur votre lèvre inférieur, qui m'a semblait être assez fraîche lorsque vous dirigiez celle-ci en direction de la lune.

Était-ce de la divination ou une simple déduction ? Rangdor pencha pour la deuxième option. Beogus ne semblait pas stupide au point de gaspiller de l'énergie magique pour comprendre son état de santé. Et puis, il aurait plus de détails si cela avait été le cas. Essuyant sa tâche de sang avec un mouchoir dissimulé dans l'une de ses manches, Rangdor laissa le vieil homme continuer son fil d'idées.

- Je suppose donc que ça a eu lieu après notre discussion près du bar, et avant que j'entre dans la pièce, sans doute lorsque j'ai demandé une chambre à l'aubergiste. Je n'en suis pas tout à fait sûr, mais je pense que vous souffrez d'une maladie. Si c'est le cas, sachez qu'il m'est possible de venir à bout de certaines, mais d'autres ne peuvent être altéré par la magie.

Un sourire apparu au coin des lèvres du jeune mage.

- C'est le prix que j'ai payé pour ma puissance. J'ai sacrifié mon corps pour décupler mon esprit et ma magie. Ce n'est pas une maladie, c'est une malédiction et je devrai vivre avec pour le reste de mes jours.

Cynique, il n'y avait cependant aucune tristesse dans ces propos. Pour Rangdor ce choix avait été le bon et restait le bon. Il ne regrettait rien.

- Mais je vous félicite pour votre remarque, elle était juste pour quelqu'un de commun.

Soupirant, il rajouta.

- Je commence à être fatigué; mon corps n'est pas aussi résistant que le vôtre, j'en ai peur. Sachez néanmoins que ma persévérance à vous épauler sera sans limite durant mon apprentissage. Je vous souhaite la bonne nuit.

Rangdor en avait terminé et il semblait réellement fatigué.